Les avocats ont décidé d'une assemblée générale, fin septembre prochain, pour examiner la situation de la profession. Selon Me Sellini, président du barreau d'Alger (lire entretien ci-contre), une réunion s'est tenue hier avec «l'ensemble des membres du conseil de l'Union des barreaux d'Algérie». Celle-ci a conclu de «la nécessité d'une AG des avocats» en septembre prochain. Ainsi, l'action de protestation des robes noires du bâtonnat d'Alger risque fort bien de s'étendre aux quinze autres bâtonnats d'Algérie pour devenir d'envergure nationale. Jeudi dernier, sous la pression de la contestation du barreau d'Alger, Tayeb Belaïz, ministre de la Justice, a appelé les avocats «au dialogue». Ces derniers ont marché du tribunal jusqu'au siège de l'Assemblée nationale pour exiger le retrait du projet de loi portant organisation de leur profession, jugé «en totale contradiction avec les principes des droits de la défense». Par cette action, les robes noires ont tenté d'interpeller «le président de la République, en tant que premier magistrat du pays garant de toutes les libertés» et non pas le ministre de la Justice «auteur du texte décrié». C'est ce qu'a expliqué le bâtonnier d'Alger, maître Abdelmadjid Sellini, il y a quelques jours au journal El Watan. La sortie de M. Belaïz, en marge des travaux du Conseil de la nation, vient, selon des membres du conseil de l'Ordre, «un peu tard». Se présentant en homme de dialogue, dans une déclaration à la presse, reprise par l'APS, le ministre a appelé les avocats à «dialoguer autour des articles contestés au lieu de recourir à d'autres moyens de contestation». Tout en reconnaissant au barreau d'Alger «le droit d'exprimer pacifiquement son opinion dans un esprit démocratique», il précise toutefois qu'il «privilégie la voie du dialogue et de la concertation», étant lui-même, dit-il, «homme de dialogue». Selon lui, la commission juridique de l'APN, devant laquelle il a défendu le projet de loi le 8 juin dernier, «est souveraine dans ses décisions» tout en rappelant que les 15 bâtonniers avaient été entendus le lendemain par la même commission pour faire état de leur avis. «Le Parlement est la meilleure tribune du dialogue serein qui traduit la volonté populaire (…). Le projet en question avait été élaboré pour une durée de 10 ans par une commission composée d'avocats, notamment des bâtonniers et des magistrats, et dirigée par un président de chambre au niveau de la Cour suprême qui y a travaillé pendant 4 ans.» Contacté, Me Khaldoune, président de la commission juridique administrative et des libertés au niveau de l'APN, estime que «le projet de loi n'est qu'au stade de la consultation, qui sera d'ailleurs élargi à toutes les personnalités concernées de près ou de loin. Nous avons écouté les 15 bâtonniers qui ont fait état de leurs réserves relatives à une vingtaine d'articles, en attendant d'entendre les représentants de l'Association des anciens bâtonniers. Il ne faut pas anticiper sur les événements». Il insiste beaucoup sur «la nécessité de recourir au dialogue et dans le calme, tout en respectant les avis des uns et des autres». Le projet de loi «est entre de bonnes mains. C'est une question de temps. Il faut que les avocats fassent confiance à la commission. Je suis moi-même avocat et je sais de quoi il ressort. Le texte ne peut être avalisé tel quel, il y va de l'avenir du pays parce que les droits de la défense constituent l'une des bases essentielles de l'Etat de droit. Il faut un débat très large, serein et dans le calme». Les promesses du barreau d'Alger Me Mohamed Chorfi, qui a jugé la sortie de M. Belaïz «tardive», parce que, explique-t-il, «sa mission est terminée» avec le dépôt du projet de loi sur le bureau de l'APN. «La commission est certes composée de bâtonniers et de magistrats, mais durant les quatre années qu'a duré son élaboration, les moutures ont été retouchées à l'insu des avocats pour sortir avec le projet présenté à l'APN et dont les dispositions sont liberticides. En dépit de la réaction de la corporation, il n'a jamais voulu le retirer, en jouant parfois sur les divisions au sein de l'Union», déclare Me Chorfi. Selon lui, ceux qui ont rédigé ce texte, notamment son article 24 relatif aux incidents d'audience, «ne peuvent avoir du respect» pour les droits de la défense, «dans le cas contraire, le seul moyen de le prouver est de le retirer». L'ancien bâtonnier va plus loin dans ses déclarations en affirmant que le retrait de ce texte «est une condition sine qua non dans la mesure où sa philosophie est totalement restrictive». De ce fait, le barreau d'Alger va entreprendre d'autres actions de protestation jusqu'à l'aboutissement des revendications des avocats. C'est d'ailleurs ce qui a été retenu, il y a plus de deux semaines, lors d'une l'assemblée générale à Alger. Lors des débats houleux de cette assemblée, les avocats avaient décidé, dans un premier temps, de boycotter les audiences des tribunaux et de la cour d'Alger avant de passer, une semaine après, à une marche de protestation du Palais de justice jusqu'au siège de l'APN. Une action qualifiée «d'exhibition de force réussie» dans la mesure où les robes noires ont pu ouvrir une brèche dans le mur de policiers dressé sur leur passage pour les empêcher d'atteindre le bâtiment qui abrite l'Assemblée nationale.