2006 est bien parti pour être une autre année de croissance forte. Les prix du pétrole vont probablement rester suspendus au-delà des 50 dollars, et même si l'année ne donnera pas les mêmes pics à 60 dollars dont a bénéficié 2005, elle sera plus prolifique du côté des volumes exportés. La pluie a été copieusement au rendez-vous de cet automne et situe déjà les récoltes agricoles du printemps et de l'été prochains sous de bons auspices. Les immenses dépenses d'équipement de l'Etat prendront leur vitesse de croisière en 2006 et vont entraîner l'activité dans leur sillage. L'essor des PME nationales devrait se poursuivre dans un tel contexte encouragé à la fois par les commandes d'Etat et par la consommation des ménages, soutenue désormais par l'arrivée du crédit, plus facile, en attendant les ajustements de salaires. Recettes énergétiques, production agricole, activité industrielle, le triptyque classique de la croissance algérienne est bien en place, même s'il faudra prendre l'habitude de voir l'activité des services - la téléphonie mobile, les transports et la distribution - prendre le pas sur la production manufacturière dont la part ne cesse de baisser dans le PIB national. Le chômage va donc modérément continuer de baisser et le revenu disponible des ménages sans doute d'augmenter. De quoi donc se soucier ? De rien. Et c'est justement de là que provient le danger. L'économie algérienne ronronne dans « un cycle vertueux » vautré dans le confort de fortes dépenses publiques. 2006 va atteindre des sommets de ce point de vue. Mais quoi donc de l'attractivité de l'économie algérienne ? Rien de nouveau sous le ciel bleu de l'anticyclone hivernal. Six ans et demi après l'arrivée de Abdelaziz Bouteflika à la tête du pays, le rythme des investissements directs étrangers dans le pays est quasiment aussi faible qu'en 1999. Une économie performante finit toujours par attirer l'épargne du reste du monde. Si ce n'est pas le cas, ce n'est pas parce que le reste du monde ne l'aime pas (après la débauche d'énergie de Bouteflika, ce serait un comble) : c'est parce qu'elle n'est pas assez performante. L'Algérie va pourtant probablement être, de guerre lasse, intégrée à l'OMC en 2006 et elle est un partenaire « libre-échangiste » de l'Union européenne depuis le premier septembre dernier. Sur l'agenda du gouvernement, il reste tant à faire pour améliorer la compétitivité de l'économie algérienne et espérer exporter dans cinq ans la moitié des presque 10 milliards d'euros de biens manufacturés qu'exporte le Maroc aujourd'hui. La loi de finances pour 2006 s'est attaquée à la cession des terrains industriels pour la rendre plus rapide. Beaucoup s'en faut. Les études, comme la dernière provenant d'un organisme italien, ont beau affirmer que l'Algérie est devenue une grosse opportunité d'affaires en Afrique et dans le monde arabe, le mouvement des capitaux est plus paresseux. Le vrai problème est ailleurs. Il se précise d'année en année dernière la brume épaisse de comptes publics requinqués par une fiscalité pétrolière hors gabarit. L'animation de l'action économique des pouvoirs publics est faible. Cadre de la concurrence, accueil des investissements, politique des participations de l'Etat et des privatisations, régulation bancaire, modernisation de l'administration fiscale et financière, intégration maghrébine, systèmes des incitations, Bourse d'Alger, politique du tourisme, management des grands équipements, ports et aéroports, libération des transports, de l'industrie des médias... la litanie des dossiers qui somnolent est effrayante. Elle fait ressembler un peu l'Algérie de Bouteflika malade à celle de Chadli finissant à la fin des années 80. Une différence de taille : à la fin des années 80, les réserves de change étaient ridiculement bas et le bouillonnement des idées dans les cercles de réformateurs au plus haut. Aujourd'hui, beaucoup d'argent, peu d'imagination. Ce n'est pas pour cela que tout ne finira pas de la même manière ; dans un chahut de gamins...