Le projet de loi modifiant et complétant le code pénal a été adopté hier par l'APN. A l'exception des députés du Parti des travailleurs (PT) et de ceux du mouvement Ennahda qui se sont abstenus, les autres élus (MSP, FLN et RND) ont approuvé ce texte très critiqué. Ce projet d'amendement, qui vise à dépénaliser les délits de presse et de gestion, renferme, selon les députés, des dispositions dissuasives, ambiguës et très graves. Il s'agit notamment des articles 119, 144 bis et 146. En effet, les députés du PT ont demandé l'annulation pure et simple de l'article 144 bis alors que le reste des parlementaires ont juste revu à la baisse le montant de l'amende prévue contre les journalistes. Cet article stipule : «Est puni d'une amende de 150 000 DA à 750 000 DA, toute personne qui offense le président de la République par une expression outrageante ou diffamatoire, que ce soit par voie d'écrit, de dessin, de déclaration ou de tout autre support de la parole de l'image, ou que ce soit par tout autre support électronique, informatique ou informationnel. Les poursuites pénales sont engagées d'office par le ministère public et en cas de récidive, l'amendement est porté au double.» L'article en question n'a pas été supprimé par la commission juridique, comme revendiqué par quelques députés, mais le montant de l'amende a été revenu à la baisse. De fortes amendes en cas d'outrage Ainsi, toute personne qui porte atteinte au premier magistrat du pays est punie d'une amende de 100 000 à 500 000 DA. Les élus du PT qualifient cette disposition de «rétrograde» et de «grave». Ils expliquent que le texte, bien qu'il atténue les sanctions (suppression de l'emprisonnement des journalistes) reste néanmoins dissuasif et constitue de fait une pression sur les médias en général et les journalistes en particulier. «Nous ne comprenons pas l'utilité de l'article 144 bis alors que la profession de journaliste est régie par le code de l'information. Pour éviter cette ambiguïté, le gouvernement aurait dû procéder par priorité et le débat autour du code de l'information est une priorité par rapport au code pénal», a soutenu en plénière Mme Kharbach, député du PT, qualifiant de «scandaleux» un tel article et demande son retrait pur et simple. «Nous ne demandons pas la révision à la baisse de l'amende, mais le retrait pur et simple de cet article. Nous exigeons un débat sur le code de l'information. Celui en vigueur punit, dans l'un de ses articles, le directeur d'une publication et non le journaliste alors que le code pénal punit le journaliste. Il y a un chevauchement entre ces deux textes de loi. Que chacun assume ses responsabilités», lance-t-elle. Plusieurs députés ont effectivement soulevé l'existence d'interférences entre le code pénal et le code de l'information qui régit la profession du journaliste. L'autre article décrié est le 146. Des articles très critiqués Celui-ci stipule que «l'outrage, l'injure ou la diffamation commis par l'un des moyens énoncés à l'article 144 bis envers le Parlement ou l'une de ses deux chambres, les juridictions ou envers l'Armée nationale populaire, ou envers tout corps constitué ou toute autre institution publique, est puni des peines prévues dans l'article 144 bis». Ce texte également n'est pas clair, selon les députés. «Outrage à l'Assemblée signifie quoi ?» se sont interrogés certains élus. Comment peut-on définir cet outrage ? «L'article 146 reste vague dans ce sens et n'apporte aucune précision et par conséquent le juge peut l'interpréter comme bon lui semble», note un député dans les coulisses de l'hémicycle Zirout Youcef. Faut-il préciser qu'en l'absence du RCD et du FNA ayant opté pour le boycott des activités de l'APN, seul le parti de Louisa Hanoune a osé critiquer certains articles du projet de code pénal. Les députés du PT ont plaidé pour une refonte générale de la loi sur l'information qui réhabilite le Conseil de l'audiovisuel et donne toute sa place au Conseil de la déontologie qui organiseront la profession et rappelle la nécessité de donner tous les moyens à une meilleure formation des journalistes, qui sont souvent victimes de leurs employeurs. S'agissant du délit de gestion qui paralyse et inhibe toute initiative de leur part, les députés du PT, à l'instar d'autres élus, considèrent qu'il est temps, au regard de l'effroyable résultat «des contre-réformes» de rouvrir le dossier des privatisations, bradage qui malheureusement, malgré son échec, s'est poursuivi. Les députés du PT posent la question : «Est-ce un crime économique ou s'agit-il d'une mauvaise gestion lorsqu'une entreprise qui vaut 840 milliards de centimes est cédée à 50 milliards ?»