L'ancien président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, était prisonnier des Allemands en 1940. Un document de sa main a été exhumé par un historien. Il est critique envers ses frères arabes de captivité. Lyon. De notre correspondant Un document inédit du poète et écrivain Léopold Sédar Senghor, ancien président du Sénégal, a été retrouvé dans les Archives nationales, à Paris. L'écrit, dont l'existence a été rendue publique dans le supplément Livres du Monde, raconte le vécu des soldats enfermés. Ce texte mis à jour par l'universitaire Raffael Scheck apporte un éclairage étonnant sur la concurrence entre les prisonniers coloniaux que les nazis avaient parqués après la défaite française. Senghor n'y est pas tendre avec les Arabes. Ainsi, s'il parle de la «solidarité assez étroite entre ceux des différentes colonies : Antillais, Malgaches, Indochinois, Sénégalais», il souligne que «seuls les Arabes sèment des germes de discorde (les Marocains exceptés). Ils cherchent à s'emparer des meilleures places (secrétariat, cuisine, bonnes corvées, etc.). Pour cela, ils dénigrent les autres, en particulier les intellectuels noirs, qu'ils présentent comme des francophiles et des germanophobes. (...) La propagande allemande, de bonne heure (...), porta uniquement sur les Arabes : journaux arabes édités par les Allemands, faveurs accordées au culte musulman, aux espions, etc. Les intellectuels arabes, je veux dire ceux qui avaient quelque instruction, étaient les meilleurs agents de l'Allemagne. Ils prêchaient leurs compatriotes et dénigraient la France devant les Allemands (chez les Noirs au contraire, chez les Antillais en particulier, les intellectuels furent les plus résistants). Quand on demanda des volontaires pour aller en Russie, il n'y eut que des Arabes à se proposer. (...) Les espions étaient des Arabes - toujours les Marocains exceptés. (...) Ce fut l'occasion de nombreuses frictions entre Arabes et Sénégalais. (...)» La chercheuse Armelle Mabon, qui a publié Prisonniers de guerre indigènes (La Découverte 2010) avait consacré quelques pages à cet aspect dans les camps. Pour elle, «il n'y a pas grand-chose de nouveau avec ce texte de Senghor, mis à part la surprise de l'avoir retrouvé».