Les caisses de l'Entreprise nationale de transport maritime de voyageurs (ENTMV) sont vides. Cette entreprise publique battant pavillon national est déficitaire depuis plusieurs années, au point que sa faillite n'est pas à exclure dans un proche avenir. Elle verse chaque année deux milliards de dinars pour compenser ses dettes. «Les dettes de l'ENTMV s'élèvent à plus de 12 milliards de dinars», a révélé, hier, le secrétaire d'Etat chargé de la Communauté nationale à l'étranger, Halim Benatallah. Ce dernier s'exprimait lors d'une visite au port d'Alger pour «s'assurer du bon fonctionnement du dispositif d'accueil des émigrés ayant voyagé à bord du Tariq Ibn Zyad en provenance de Marseille». M. Benatallah pense que les problèmes internes de l'ENTMV sont à l'origine de la cherté des billets de voyage. «Si les tarifs semblent élevés, c'est en raison des dettes», a-t-il estimé. A moins d'un miracle, il est à penser que les prix des billets de voyage à bord des bateaux algériens ne connaîtront jamais de baisse. Et pour cause, «l'ENTMV aura à payer des dettes jusqu'en 2022. De plus, en cas de crise majeure, la compagnie ne pourra pas survivre. Elle risque la faillite si le gouvernement n'opère pas une mise à niveau. En l'état actuel des choses, il est impossible de la restructurer», a expliqué, à El Watan, le directeur de l'audit de l'ENTMV, Belaïd Mahioud. Il a ajouté que «contrairement à Air Algérie, l'ENTMV ne bénéficie pas de subvention. Les autorités n'aident pas suffisamment notre entreprise. Nous avons écrit dix courriers aux autorités concernées pour prendre en charge le dossier en question. Mais les choses ne changent pas». Naftal veut des dollars A titre d'exemple, la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM) perçoit des subventions de l'Etat français. «Près de 80 millions d'euros sont versés par la France à la SNCM», a avancé M. Benatallah pour justifier encore une fois les tarifs élevés pratiqués par l'ENTMV, ce que les passagers du Tariq Ibn Zyad ont vivement contesté hier. Ils l'ont d'ailleurs fait savoir au troisième homme de la diplomatie algérienne, même s'ils affirment que «les délais d'attente au port d'Alger ont été réduits de moitié». Une autre donnée essentielle illustre le risque de faillite de l'ENTMV. Sur un chiffre d'affaires d'environ 10 milliards de dinars, 95% sont absorbés par les charges de fonctionnement de la flotte, dont 25% destinés à l'achat du fioul. Ajoutons l'affrètement à 49 000 dollars la journée d'un bateau grec, l'Ariadne, durant la période d'été. «Nous enregistrons de minimes bénéfices qui frôlent les 150 millions de dinars annuels. L'activité n'est intense que durant la saison estivale. Cette année, avec le Ramadhan au mois d'août, les dessertes diminueront. Ce qui n'arrange pas la situation de l'ENTMV, puisque nous perdrons un tiers de notre chiffre d'affaires. En basse saison, nous transportons une moyenne de 100 passagers par desserte. Les Marocains et les Tunisiens pratiquent des prix que nos compatriotes jugent raisonnables. Ces deux pays sont des destinations touristiques de masse, courtisées par une clientèle européenne. Leur compagnie de navigation civile travaille à longueur d'année», a ajouté M. Mahioud. Sur ce point, la politique touristique appliquée par l'Algérie ne présage rien de meilleur. Jusqu'à présent, aucun ministre n'a transformé l'Algérie «en bonne terre d'accueil pour touristes». Dans le même sillage, M. Mahioud a avancé le volume de «80 tonnes de fioul consommées entre Alger et Marseille». L'absurdité bat son plein quand on apprend que Naftal vend ce carburant en dollars à l'ENTMV, et ce, «à un prix indexé sur les cours du brut internationaux». Cela revient à payer cash 52 000 DA la tonne. Pourtant, Air Algérie achète le kérosène en dinars et selon le prix décidé au niveau national. L'Etat algérien pratique-t-il un favoritisme en distinguant ces deux compagnies «stratégiques», ou alors veut-on couler l'ENTMV à l'image de ce qu'a connu la CNAN ?