Emprisonné le 14 juin 2004, Mohamed Benchicou bouclera, le 31 décembre, 18 mois et demi à la prison d'El Harrach à Alger. Talentueux journaliste, actionnaire et gérant du quotidien Le Matin, suspendu plus d'un mois après son emprisonnement, Benchicou s'est vu condamné à deux années de prison ferme pour « une affaire de bons de caisse anonymes ». Comme l'attestent les avocats de la défense, l'affaire est « montée de toutes pièces » avec preuves à l'appui. D'abord, il n'y avait jamais eu de personnes arrêtées pour avoir voyagé avec des bons de caisse, au point que même la police des frontières ignorait que cela constitue une infraction. Ensuite, il y avait cette correspondance du PDG de la Douane - principale institution habilitée à réprimer toute infraction à la réglementation -, adressée au chef du gouvernement et au patron des services de renseignements, dans laquelle il a établi la nullité de la procédure et l'absence de toute infraction. Interpellé le 18 août 2003 à l'aéroport d'Alger, à son retour d'un voyage de l'étranger, Benchicou sera recherché une semaine après et entendu le 26 août par la police. Le ministère des Finances déposera le lendemain une plainte, motivée par « le transfert illégal de capitaux ». L'affaire a été renvoyée jusqu'à l'après-élection présidentielle d'avril 2004. Benchicou avait édité, dans le sillage de la campagne pour cette élection présidentielle, un livre critique intitulé Bouteflika : une imposture algérienne. Il sera jugé deux mois après l'élection, soit le 14 juin 2004, sur la base d'un procès-verbal qu'il n'avait pas signé et dont l'authenticité reste à prouver. Les avocats avaient démontré, pièce par pièce, que le dossier de leur mandant était vide. Et les réponses des agents de la police des frontières auraient suffi pour prononcer l'acquittement. Mais le procès était plutôt politique. Miloud Brahimi, l'un des avocats de la défense, avait prouvé, en relevant les vices de forme et de procédure, que l'affaire Benchicou était une pure invention « pour les besoins de la cause ». Quelle cause ? Benchicou qui faisait une chronique hebdomadaire au Matin s'est illustré par sa verve, son verbe caustique et sa ligne politique qui déplaît au régime en place. Ses écrits avaient provoqué la colère, notamment du ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni - accusé de tortures -, au point qu'il jurait publiquement, en été 2003, de sanctionner Benchicou. Même enfermé dans son cachot à El Harrach, complètement démuni, il n'a pas été laissé « tranquille ». Une averse de procès tomba sur sa tête durant l'année qui s'achève. En effet, il a comparu une trentaine de fois pour s'expliquer sur ses propres écrits, mais aussi sur des articles parus dans Le Matin. Il a accumulé 5 mois de prison ferme et d'autres peines de prison avec sursis. Sans parler des amendes, parfois faramineuses. Souffrant d'une arthrose cervicale, sa main droite est quasiment paralysée, sa demande de liberté conditionnelle, en vue de se soigner dans un hôpital spécialisé, a été rejetée en avril dernier.