Décidément, investir en Algérie relève d'une opération à haut risque. L'entreprise d'aluminium Algal+, privatisée en 2006 grâce à un visa officiel du Conseil des participations de l'Etat (CPE), a vu son sort basculer vers une destinée incertaine, après des années de performance et bons résultats financiers. Cette usine d'aluminium, une des rares privatisations qui a bien réussi et faite dans les règles de l'art, est à l'arrêt depuis deux mois, prise en tenaille entre un faux conflit social et des intérêts malsains visant sa déstructuration. Nous sommes allés enquêter sur une entreprise, dont le sort semble désormais entre les mains d'une mafia locale, à M'sila, qui agit impunément au vu et au su des autorités locales et nationales en charge des dossiers d'investissement et des collectivités locales. Algal+ est une entreprise qui fait travailler actuellement 400 personnes qui sont, à longueur de temps, victimes d'intimidations et empêchées de rejoindre leur lieu de travail par une poignée (une trentaine) de personnes qui réclament la «nationalisation» de l'entreprise. Avant son rachat, Algal, alors entreprise publique, accumulait un déficit financier de 633 millions de dinars et des dettes de 2,652 milliards de dinars ainsi que des terres hypothéquées auprès de la Banque extérieure d'Algérie. Quelques mois après sa privatisation, décision prise par le CPE le 17 juillet 2006, l'entreprise se redresse et fait un chiffre d'affaires annuel de 1,3 milliard de dinars. Cependant, la situation de l'entreprise a pris une mauvaise tournure. Une poignée d'anciens employés de l'entreprise, qui se sont associés à une bande de brigands, ont décidé de faire avaler des couleuvres aux propriétaires de l'entreprise, dont un Algérien et un Jordanien. Les travailleurs, qui tentaient de libérer les portes de l'entreprise pour reprendre le travail, sont pourchassés à M'sila et brutalement agressés par cette bande qui sillonnait la ville en moto, pourtant sujette à mille et une plaintes déposées à son encontre. Les services de police ont recensé plusieurs enquêtes à leur niveau pour séquestration, entraves à l'activité de l'entreprise, menaces, intimidations et agressions contre les locaux et le personnel de l'entreprise, etc. Deux mois se sont déjà écoulés et cette situation fait subir à l'entreprise des pertes considérables. Selon d'autres éléments de l'enquête que nous avons menée au sujet de cette entreprise, cette bande de malfaiteurs, qui fait la pluie et le beau temps à M'sila, semble bénéficier d'une superbe impunité. Impunité parfaite ! Malgré les diverses plaintes dont ils sont sujets, des constats d'huissiers de justice, des décisions de justice avec effet immédiat et des instructions du ministre de l'Intérieur, les portes de l'entreprise sont restées closes, fermées par une vingtaine d'individus (chiffre rapporté dans les différents constats établis par les huissiers de justice) au détriment de 400 travailleurs qui se sont mis à l'abri des intimidations. Selon des documents officiels, dont El Watan s'est procuré des copies, il est clairement signifié que les revendications de cette poignée d'individus sont «illégales». En effet, dans une correspondance du ministre de l'Intérieur et des Collectivité locales adressée le 22 mai 2011 au wali de M'sila, il est écrit que «l'ambassadeur d'Algérie à Amman (Jordanie) a eu à enregistrer une requête de Hassane Sohbi, DG de Algal+ et président de son conseil d'administration». Dans la lettre du ministre de l'Intérieur au wali de M'sila, rédigée en langue française, il est écrit : «Une grève a été déclenchée par 30 travailleurs qui ont procédé à la fermeture des portes de l'entreprise empêchant les travailleurs (400) de regagner leurs postes malgré une décision de justice.» La réponse du wali ne s'est pas fait attendre et confirme, sans réserve aucune, «l'illégalité» des doléances soulevées par la trentaine de travailleurs qui bloquent, dans l'impunité totale, toutes les issues de l'usine. Dans la réponse du wali, il est écrit que l'inspecteur du travail a constaté que toutes les revendications des travailleurs sont illégales. «Une décision de justice avec effet immédiat qui demande la réouverture des portes de l'usine n'a pas été respectée. Nous demandons à votre autorité de prendre les mesures nécessaires pour permettre de rouvrir les portes de l'usine qui a eu à subir des pertes considérables», lit-on également dans la réponse du wali de M'sila à Daho Ould Kablia. En dépit de ce constat provenant des hautes autorités du pays et les deux décisions de justice datant du 9 mai 2011 et du 7 juillet de la même année, les portes de l'entreprise sont toujours sous scellés et les instigateurs de cette manœuvre dilatoire bénéficient encore d'une impunité inexpliquée. Mieux encore, en réponse à une question écrite adressée par le député de M'sila, Hassani Chérif, au ministre de l'Industrie au sujet de cette affaire, Mohamed Benmeradi répondra le 29 juin 2011 que «la décision du CPE de privatiser Algal est irrévocable et s'était faite conformément à la loi et à la réglementation en vigueur». Le ministre de l'Industrie, de la PME et de la Promotion de l'investissement précisait, dans le même courrier, dont nous nous sommes procuré une copie, que «les nouveaux propriétaires d'Algal ont respecté leurs engagements conclus lors du rachat de l'entreprise». Dernière nouvelle, l'entreprise Algal+ risque de perdre deux marchés à l'exportation si cette situation de blocage persiste face au mutisme des autorités en charge de l'exécution des décisions de justice et de la protection du citoyen et de ses biens. Investir en Algérie semble être tout compte fait semblable à une partie de poker, où la mise est souvent exposée à un coup fatal. Une question : à qui profiterait la mise à mort d'Algal+, une des rares entreprises qui s'investissent dans l'exportation ?