Des années de lutte et de sacrifices pour en arriver là. La naissance d'une chaîne de télévision amazighe, saluée comme un important acquis de la lutte pour la revalorisation de l'identité berbère du pays, n'a finalement été qu'un leurre politique, un épouvantail pour faire croire que le pouvoir a cédé sur cette importante revendication portée à bout de bras par plusieurs générations de militants. Plus de deux ans après sa création, la Chaîne IV, ou TV Tamazight, est une télévision sans siège, sans organigramme, sans moyens techniques ni humains et qui diffuse un programme réchauffé et indigeste, constitué à plus de 80% d'archives surannées. Cerise sur ce gâteau empoisonné, les pouvoirs publics ont cru utile de placer à la tête de cette toute jeune institution un homme qui aurait dû faire valoir ses droits à la retraite il y a bien longtemps. Un homme qui s'est avéré plus obsédé par les courbes de son personnel féminin que par celles des audiences de sa chaîne. Un journaliste évoque la situation au sein de la rédaction : «Le directeur nous a coupé les lignes fax, les lignes téléphoniques et l'abonnement internet. Nous sommes isolés de l'extérieur et aucune invitation ne nous parvient.» Les quatre services dont dispose la chaîne sont coupés du monde. Ils ne peuvent ni appeler ni être joints de l'extérieur. Ces derniers temps, en l'espace de 24 heures, Saïd Lamrani a réussi la prouesse de censurer trois émissions hebdomadaires, l'une politique, l'autre sportive et la troisième culturelle. La chaîne amazighe est devenue la «chose» du directeur qui recrute selon ses goûts très personnels et qui n'offre le passage dans une émission qu'à ceux qu'il juge politiquement corrects. Telle qu'elle relève des témoignages glanés auprès des journalistes de la chaîne, la principale mission de l'actuel directeur est de brimer toutes les compétences qui pouvaient un jour sortir cette chaîne de ses limbes puis de son cocon de médiocrité. Il a d'abord fallu trois longues années d'attente et de tergiversations avant de voir TV Tamazight lancée concrètement. Trois ans de tâtonnements pour accoucher d'une chaîne médiocre, vieillotte, limitée dans ses moyens humains et matériels et qui a réussi en très peu de temps à tuer tous les espoirs qu'elle avait suscités. Le maintien d'un homme aussi controversé à la tête d'une chaîne sensible politiquement autorise une lecture plus proche du bon sens paysan que de l'analyse politique : volonté manifeste de reprendre d'une main ce qui a été accordé de l'autre.