Un projet de loi portant sur l'obligation de l'enseignement de tamazight a été proposé par des députés. Commémorer le printemps berbère sans faire le point sur l'enseignement du tamazight, c'est diminuer le combat amazigh d'une partie de son contenu. Chaque année, un bilan est établi par les pouvoirs publics, ainsi que par les militants de la cause amazighe, sur l'apprentissage de cette langue ancestrale. Loin de faire l'impasse sur les efforts consentis, le bilan d'avril 2011 n'est pas reluisant. Sur les 16 wilayas choisies pour piloter la nouvelle expérience, il n'en reste que 9 où l'enseignement de cette langue se poursuit encore. La généralisation de tamazight à travers les écoles est souvent problématique. A Bejaia où l'enseignement évolue avec 300 instituteurs, des statistiques ont démontré qu'un élève sur deux bénéficie de cet enseignement. Toujours dans une région berbérophone, Tizi Ouzou, qui enregistre une performance enviable par rapport à ce qui se fait ailleurs en la matière, l'apprentissage de tamazight butte sur des problèmes d'ordre pédagogique et socioprofessionnel concernant les enseignants. Entre les chiffres avancés et la réalité du terrain, l'écart est important. Lorsque le directeur de l'éducation de la wilaya de Tizi Ouzou se targue d'avoir généralisé l'enseignement de tamazight dans le premier palier, il fait l'impasse sur le procédé. Avec le manque d'encadrement, des enseignants dans le primaire parcourent chaque jour plusieurs kilomètres pour assurer les cours dans 3 à 4 villages différents. Aussi, quand le total de 640 enseignants dont dispose Tizi Ouzou est avancé, le nombre d'écoles qui n'ont pas d'enseignants est occulté. Acquis fragilisés Le combat pour l'identité berbère s'est soldé par la consécration de tamazight langue nationale, l'ouverture d'une chaîne de télévision étatique, l'institutionnalisation de quatre festivals culturels et la mise en place de 3 départements de langue et culture amazighes. Pour œuvrer à la promotion de cette langue, l'Etat à crée deux institutions : le Haut commissariat à l'amazighité (HCA) et un Centre national pédagogique et linguistique. Des acquis arrachés de haute lutte. Néanmoins, la question qu'on se pose aujourd'hui, est qu'est-ce qui a conduit au recul de cet enseignement et quelle solution pour la sauvegarde et la consolidation des acquis d'avril 1980? La régression de l'enseignement du tamazight dans les écoles et sa gestion balbutiante par les administrions locales est due au caractère facultatif de son enseignement et sa non officialisation, s'accorde-t-on à dire. A cet effet, des solutions et des proposions ont fusé de la part des politiques, des enseignants, ainsi que des élus de l'APN, pour une meilleur prise en charge. On cite la récente proposition de loi déposée par des députés de 8 formations politiques relative à l'amendement de la loi n°08-04 du 23 janvier 2008 portant loi d'orientation du système éducatif. Le but étant de consacrer le caractère obligatoire de l'enseignement de tamazight et son officialisation. Du côté des politiques, Louiza Hanoune, présidente du PT, a revendiqué lors de son passage à Tizi Ouzou, «la création d'un secrétariat d'Etat, doté d'un budget conséquent pour arriver à la généralisation de son usage et l'obligation de son enseignement et son officialisation; le HCA n'ayant pas suffisamment de moyens ni de prérogatives adéquats pour promouvoir la langue amazighe». Par ailleurs, l'association des enseignants de tamazight dans la wilaya, dirigée par M. Boudinar, a localisé le problème au niveau de l'application des textes. Au cours d'une conférence débat organisé vendredi passé à la maison de la culture de Tizi Ouzou, M. Arkoub, membre de la même association, a déclaré : «Nous avons un texte d'orientation pour le système éducatif et une circulaire pour l'enseignement de tamazight, mais ces lois sont piétinées, malheureusement, par certains directeurs d'établissements.» Invité à la même table, le chef de département de langue et culture amazighes, M. Boukhrouf, a souligné l'urgence «d'une académie pour le tamazight comme autorité scientifique et administrative qui imposera les directives après l'élaboration d'une politique de l'aménagement linguistique.» Evoquant le problème du manque d'encadrement et d'espace dans son département, le conférencier estime qu'il est nécessaire d'ouvrir d'autres départements ; le besoin est dûment exprimé dans les wilayas de Boumerdes et d'Oran.