Après quatre jours de grève, au moment où débutent les négociations entre le personnel navigant et la direction d'Air Algérie, chaque partie aiguise ses armes par presse interposée. Le PDG d'Air Algérie tente de prendre à témoin l'opinion publique face aux exigences salariales de son personnel. - Après ces quatre jours de grève, l'image d'Air Algérie est bien écornée… Dans chaque conflit, l'image de l'entreprise en prend un coup. A l'avenir, il faut travailler pour éviter ce genre de conflit. Je présente encore une fois toutes mes excuses aux passagers qui, pendant quatre jours, ont connu des désagréments. Je peux leur assurer que nous avons déployé tous les moyens humains pour leur venir en aide et leur trouver des places dans des hôtels, mais cela n'a pas été possible. On nous a aussi souvent reproché de ne pas informer les voyageurs. On ne peut donner que l'information dont on dispose. On ne pouvait programmer les avions qu'en fonction du personnel navigant commercial non gréviste qui a montré un sens des responsabilités et de loyauté envers la compagnie. J'ai d'ailleurs demandé au collectif gréviste d'arrêter de harceler ceux qui voulaient continuer de travailler. - Avez-vous été associé à la négociation entre le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et Yacine Hamamouche, porte-parole du personnel navigant, lors de la médiation de Sidi Saïd ? Il n'y pas eu, à ma connaissance, de négociations entre le Premier ministre et Yacine Hamamouche. A mon avis, si le Premier ministre est intervenu, il a dû le faire avec le secrétaire général de l'Union générale des travailleurs algériens, et non avec le porte-parole du collectif. - Comment avez-vous appris l'arrêt du mouvement de grève ? Par le canal officiel et par les parties officiellement concernées. - Vous êtes-vous senti lâché par le gouvernement ? Pas du tout. A aucun moment. Les pouvoirs publics m'ont toujours soutenu dans ma démarche ; d'ailleurs, cela a été confirmé par le ministre des Transports, Amar Tou. Il a affirmé que la grève avait été gérée par le PDG d'Air Algérie, en concertation avec son ministère et sous la haute impulsion du Premier ministre. Je pense que le message du ministre était très clair. - Vous avez toujours refusé de rencontrer le porte-parole Yacine Hamamouche. Vous avez exigé que le collectif désigne d'autres représentants. Pourquoi vous êtes-vous entêté dans ce refus ? J'ai refusé de voir le collectif parce que je trouvais que cela ne servait plus à rien. J'avais eu une discussion avec leurs représentants avant le déclenchement de leur mouvement de grève, pour tenter de les dissuader d'entamer leur action. Je leur ai expliqué la situation financière de l'entreprise et j'ai mis en avant la conjoncture actuelle qui n'est pas favorable à l'entreprise, avec une chute du trafic et du chiffre d'affaires d'Air Algérie. C'est pour cela que je leur ai dit que la compagnie, aujourd'hui, ne pouvait pas donner plus que ses finances ne le permettent. Je leur ai aussi expliqué que je refusais de régler leurs revendications de manière corporatiste, car la négociation ne peut se faire que dans un cadre global. Il ne faut pas oublier qu'au sein de la compagnie, je dois aussi faire face à d'autres partenaires sociaux, et par conséquent, toute revalorisation salariale d'une corporation entraînerait obligatoirement un effet boule de neige. Si je devais accepter une augmentation de 106% du salaire de base, cela se traduirait en bout de chaîne, en comptabilisant les nombreuses indemnités salariales, par une augmentation de 300%. C'est pour cela que j'ai préféré avoir une démarche cohérente au sein de l'entreprise et offrir le même pourcentage à tous les travailleurs. Pour ce qui est de la hiérarchisation des salaires, les choses avancent dans le bon sens. Je me suis engagé à ouvrir ce chantier et à le mener à bien. - Le gouvernement vous a-t-il demandé, lors de votre nomination, de revoir l'accord conclu entre votre prédécesseur, Abdelwahid Bouabdallah, et le collectif du personnel navigant ? Le gouvernement ne m'a rien demandé. La mission qui m'a été assignée, c'est le redressement de la compagnie. Je vous signale que dès ma prise de fonctions, j'ai déclaré que je m'engageais à respecter les accords pris par mon prédécesseur. Entre l'ancien PDG d'Air Algérie et le collectif, il n'y avait pas d'engagement concret si ce n'est l'ouverture de discussions pour trouver une solution consignée dans un PV. - Avez-vous été abusé par certains cadres de l'entreprise qui vous ont certifié que la grève ne tiendrait pas longtemps ? Absolument pas. Je me suis appuyé sur deux éléments-clés qui ont guidé ma démarche tout au long du conflit : la situation financière de la compagnie et le refus d'accorder une augmentation à une corporation et d'occulter les autres. Je tiens à préciser que ma démarché a été prise en concertation avec les pouvoirs publics. - Reconnaissez-vous votre échec dans la gestion de cette crise ? J'ai géré la crise en étant conscient que je ne pouvais pas accepter les revendications du collectif qui me paraissent déraisonnables. Je ne peux pas accorder 106% d'augmentation au risque de foutre en l'air la compagnie et en plus accepter la création d'une direction autonome du personnel navigant commercial qui n'existe dans aucune compagnie aérienne dans le monde, comme cela a été demandé par le collectif. Je ne peux pas couper un avion en deux, avec d'une part le commandant de bord et le copilote d'un côté, et les stewards et hôtesses de l'air de l'autre. Dans un avion, l'équipage est indivisible, ce n'est pas moi qui le dis, mais l'Organisation de l'aviation civile internationale. - Vous affirmez que les hôtesses et stewards réclament 106% d'augmentation, alors qu'ils contestent ce chiffre… Je confirme les propos que je viens de tenir. Ils réclament 106% d'augmentation sur le salaire de base. Ils ont aussi occulté de mentionner les 200 euros qu'ils touchent par mois. Il leur suffit de faire un vol sur l'international pour toucher cette prime. Ce qu'ils ont aussi oublié de dire, c'est que lors des vols pour Montréal ou Pékin, ils touchent des frais de mission de 50 euros/jour. C'est pour cela que j'affirme qu'ils sont loin d'être malheureux. - Etes-vous favorable au statut de personnel navigant commercial pour les stewards et les hôtesses de l'air ? Absolument. Il y avait déjà une commission qui travaillait sur cette question avant ma nomination. La révision est en train de se faire. - Vous vous êtes déclaré favorable à un compromis sur les revendications des travailleurs. Quelle peut être la nature de ce compromis ? Je ne préjuge de rien. Dans toute discussion il y a des compromis qui se font de part et d'autre pour arriver à un accord. On ne peut pas tout avoir d'un seul coup, d'autant que cela risque de remettre en cause l'intégrité de la compagnie. Une tripartite est prévue en septembre. Il est possible que le SNMG soit revu à la hausse et que l'entreprise décide d'une augmentation des salaires. - Vous affirmez un peu partout que l'entreprise ne peut consentir que 20% d'augmentation… Effectivement, c'est l'effort que la compagnie peut consentir et je peux vous assurer qu'une telle augmentation n'est pas anodine. C'est énorme en termes de masse salariale. - Combien de temps doivent durer ces négociations ? Le collectif a demandé à fixer un échéancier. Il souhaiterait trouver un accord avec la compagnie d'ici la fin du mois de juillet. Le souhait raisonnable est que le dossier soit clos le plus tôt possible. - Le gouvernement vous-a-t-il fixé des limites à ne pas dépasser pour ces négociations ? Nous travaillons en concertation permanente avec le gouvernement… - La décision de l'ancien PDG de rembourser en totalité un prêt bancaire accordé à Air Algérie a-t-elle fragilisé la compagnie ? Je respecte cette décision… - Est-ce une décision que vous auriez prise ? Non. - Cette décision pénalise-t-elle aujourd'hui l'entreprise ? Oui, plutôt. Car aujourd'hui, notre marge de manœuvre dans ce genre de conflit est réduite à cause de notre situation financière. - Envisagez-vous de dédommager les 23 000 passagers bloqués durant la grève ? On y a pensé. On est en train d'élaborer les modalités pratiques pour un dédommagement.