Nacira Zellal est directrice du laboratoire des sciences du langage et neurosciences cognitives (université d'Alger) et présidente de la Société algérienne de neurosciences - Où en est le soin psychologique en Algérie ? La psychologie est sous-estimée en Algérie parce qu'elle n'a pas suivi le cours actuel du progrès. La base est la psychologie cognitive, puisque c'est avec l'intelligence que l'homme se comporte. Les émotions sont la conséquence de nos perceptions. Il faut donc investir dans l'autonomie intellectuelle de l'homme depuis son enfance, pour qu'il résolve toutes les crises sociales. Aucun psychologue algérien n'a posé le problème de la pédagogie de la langue à l'école, alors que les thèses d'acquisition expliquent que le raisonnement se construit au contact de la langue, dans ses règles abstraites, dès 4 ans. - Quelles sont les raisons du retard de la psychologie en Algérie ? Les thèmes de recherche, les post-graduations tournent autour du symptôme social : drogue, délinquance…, bref, du malheur social. Le rapport 2003 de l'Inserm souligne la primauté des thérapies cognitivistes parce qu'elles s'attaquent à la cause du mal. Sur le plan économique, il y a du gaspillage, puisque des pathologies lourdes sont approchées par des thèses dépassées. Le psychologue prend pour de la dyslexie la conséquence d'une pédagogie inscrite contre le développement cognitif de l'enfant. A l'inverse, les projets visant le développement cognitif sont signés «avis défavorable» parce que les comités décisoires, faits de psychosociologues qui se servent ces projets dépassés, ne sont pas constitués ès CV. - Comment voyez-vous l'avenir de la psychologie dans notre pays ? La science permet de trouver des solutions. Les solutions psychologiques sont la création de techniques de soin des troubles du comportement dus au déficit cognitif. En Algérie, c'est l'orthophonie qui crée et développe la neuropsychologie. Nous sauvons des projets grâce au laboratoire du Slancom, la Société algérienne de neurosciences, qui vient d'être agréée. La psychologie ne doit plus rester enfermée dans la description du symptôme social. Ces troubles spécifiques à l'Algérie lui font oublier les troubles universels comme l'autisme, les troubles cognitifs d'ordre neurodégénératif, l'IMC, les aphasies, les agnosies... C'est l'orthophonie, forme actuelle de la psychologie qui intègre la linguistique et la médecine, qui s'occupe de ces troubles. L'imagerie cérébrale et le logiciel thérapeutique sont des nouveautés dans nos travaux. Cela ne concorde pas avec une psychologie dépassée. Tant que la psychologie, en Algérie, n'intègre pas les cognisciences, elle ne pourra pas s'inscrire dans l'actualité. Pour l'instant, les congrès de neurosciences comprennent les expériences des orthophonistes et non des psychologues algériens. - Comment expliquez-vous l'attitude de ceux qui résistent aux neurosciences ? Afférent à la culture, la psychologie ne peut pas être importée. La psycholinguistique, née en 1960, est ignorée par la psychologie en Algérie, alors qu'il ne s'agit pas d'une différence d'école, mais d'un progrès, injection faite du critère linguistique dans le critère cognitif. La psychologie observe le comportement et le comportement le plus spécifiquement humain, c'est le langage. L'orthophonie regroupe les solutions que doit résoudre la psycholinguistique. Ces solutions s'inscrivent dans le courant des neurosciences.