«Il y a assez de tout dans le monde pour satisfaire aux besoins de l'homme, mais pas assez pour assouvir son avidité.» (Gandhi) Nous assistons, ces dernières années, à une course à l'enrichissement et au profit à tout prix. A grande échelle au vu des multinationales et à plus petite échelle dans notre entourage parfois les plus proches. Jamais l'argent n'a été autant sacralisé, établissant aujourd'hui une nouvelle échelle des valeurs où il s'érige en nouvelle unité de mesure. La morale et l'éthique ne pèsent rien face au culte actuel du profit sous toutes ses formes. Pillage des terres et des mers Autrefois, les prises quotidiennes d'un paisible pêcheur suffisaient à faire vivre sa famille. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas car les mers sont quotidiennement pillées par les industriels de la pêche, peu scrupuleux et irrespectueux des délais de reproduction des espèces sous-marines. A ce rythme et si elle continue, la surpêche devrait exterminer toute espèce de poissons d'ici 2050(1). La surexploitation des sols génère aussi des profits tels que les convoitises s'aiguisent, l'argent coule à flots, la corruption bat son plein et des conflits armés voient le jour au gré des appétits voraces, avec l'aide des compagnies très peu soucieuses des dégâts engendrés. Le drame écologique survenu en avril 2010 lors de l'explosion en mer de la plateforme du britannique BP (British Petroleum) est responsable de la fuite de 780 millions de litres de pétrole au large de la Louisiane(2). Silence radio depuis. On s'attendait pourtant à une gigantesque marée noire souillant des dizaines de kilomètres de côtes, mais le pétrole a semble-t-il disparu. Il a en fait été dissous à l'aide de plusieurs millions de litres de produits chimiques qui, une fois disséminés sur l'étendue noire, ont tiré une grande partie des plaques d'hydrocarbures vers les fonds marins. Autrement dit, des quantités astronomiques de pétrole gisent pour l'éternité au fond de l'océan, exterminant toute vie marine sur des kilomètres carrés. Dissoudre pour dissimuler des millions de litres de pétrole coûte bien moins cher que le pompage et le nettoyage des côtes souillées et amoindrit, par la même occasion, l'impact médiatique de la catastrophe écologique puisqu'on ne la voit plus(3). L'humanité a de tout temps été responsable d'épisodes dévastateurs, mais jamais elle n'a été aussi loin dans l'irréversible. La fonte des glaciers n'est pas un mythe, le risque nucléaire est quotidien et la pollution industrielle se voit par endroits à l'œil nu. Dans cette fuite en avant, on en demande aussi trop et toujours plus à la terre en la cultivant à coups de pesticides, herbicides, insecticides et engrais chimiques. Quand on sait que certains produits utilisés en excès sont responsables, entre autres, de la mort de milliers d'abeilles et qu'«en l'absence de ces dernières, l'humanité n'en aurait que pour quelques années» (citation d'Albert Einstein). Le capitalisme cannibale Cette course sans fin vers une production toujours plus «lucrative» a causé de sérieux dégâts à la culture du coton en Afrique et en Inde et a fini par pousser des cultivateurs surendettés au suicide(4). L'Europe n'est pas épargnée puisqu'on dénombre un suicide par jour dans la population agricole française(5). La cause en est, entre autres, la déréglementation des marchés opérée par les cols blancs de Londres, Paris et New York et les milliards de subventions versés par les Etats-Unis à ses cultivateurs, ce qui rend le coton américain environ 30% moins cher, donc bien plus compétitif(6). Les multinationales de la semence deviennent incontournables dans beaucoup de pays à cause du monopole qu'elles finissent par y détenir avec le concours de gouvernements savamment soudoyés. La plus importante et la plus controversée est Monsanto. Cette puissante entreprise américaine s'approprie des espèces végétales par la manipulation génétique, qui ouvre la voie au brevetage du vivant(7). Nous sommes très loin de mesurer la catastrophe qui s'annonce. Et pour cause, le stratagème de cette entreprise est sournois. Les modifications génétiques ont pour but d'abord de rendre la culture très résistante aux insectes et bactéries nuisibles, aux pesticides chimiques, mais engendrent aussi la stérilisation des graines que Monsanto présente comme progrès technologique(8). Cedit «progrès» suscite une grande inquiétude, car il est ni plus ni moins la castration par l'homme d'espèces végétales évoluant depuis des milliers d'années qui rendra les agriculteurs, dans un futur proche, totalement dépendants de ce type d'entreprise. Pour résumer, pour pouvoir cultiver une variété de blé, il faudra acheter chaque année des semences auprès de ces multinationales. Le profit sauvage étend son diktat à toutes les sphères des sociétés, quel que soit le continent. Augmenter les profits, minimiser les coûts encore et toujours, qu'importent les moyens et les conséquences. L'Occident lui-même est victime de sa politique de dérégulation des marchés, du libre-échange, des mécanismes économiques dictés par l'OMC, le FMI et la Banque mondiale. Les populations de l'hémisphère Nord sont victimes des délocalisations, à la recherche permanente de faibles coûts de production et de législations plus complaisantes envers les employeurs. L'impunité des banques Dès 2007, la crise financière est présentée avec le même fatalisme affiché face aux catastrophes naturelles, alors qu'elle résulte de pratiques financières douteuses, pour ne pas dire mafieuses, de «prestigieuses» banques. Ces dernières ne semblent pas, depuis, vouloir moraliser leurs activités si bien que des produits financiers dits «toxiques» continuent à être commercialisés sous des formes si complexes que leur contrôle devient parfois impossible(9). L'épisode Jerome Kerviel, qui a fait trembler le monde de la finance en 2008, est un exemple de plus. Le trader en question reconnaît avoir engagé sur les places boursières, à lui seul et en 2007, plus de 30 milliards d'euros(10). Son employeur de l'époque, la Société Générale, suite au scandale, feint l'ignorance et prétend avoir été trompée par ces agissements. J. Kerviel assume sa part de responsabilité et apporte dans son ouvrage, paru en 2010, la preuve de la totale connaissance de ses supérieurs de l'énormité des sommes placées. En fait, le courtier bénéficiait d'une sorte de «carte blanche» car il avait, à lui seul, rapporté en 2007 environ 1,5 milliard d'euros à la Société Générale(11). Pour proclamer leur profond mépris de millions de victimes directes et indirectes de cette crise financière, ces mêmes banques continuent à distribuer des milliards de bonus à leurs apprentis sorciers spéculateurs. Soulignons au passage que les Etats européens ont dû débloquer la coquette somme de 1700 milliards d'euros pour le «sauvetage» des banques(12). Santé VS conflits d'intérêt Les décisions prises pour le soi-disant bien des consommateurs s'avèrent parfois motivées par des desseins inavoués. Prenons l'exemple de l'aspartame, ce substitut (de synthèse) du sucre, que nous consommons chaque jour dans tout ce qui est présenté comme étant «light» ou «sans sucre». Derrière ce composant chimique se cache un lobby fournisseur de grandes marques dans le monde entier. Cependant, des études ont montré qu'à doses élevées, l'aspartame provoque des cancers chez les rats(13). D'où une réglementation fixant la dose journalière «acceptable» (DJA) à 40 mg/kg(14). Coup de tonnerre ces derniers jours : on ne sait pas comment a été fixé ce taux et, comble de l'ironie, l'étude qui aurait servi à l'établir est introuvable(15). Confiants et crédules consommateurs que nous sommes, nous pensons avec naïveté que des institutions et autres organismes veillent réellement sur notre santé en réglementant les produits alimentaires mis sur le marché. Qu'en est-il des colorants, édulcorants, conservateurs et tous ces additifs codifiés en E dont regorge notre alimentation ? Quelles sont les études menées chez nous à cet effet ? Difficile de rester confiants quand on sait que la crédibilité de la plus haute autorité de santé, l'OMS, est sérieusement mise à mal depuis le scandale de la grippe H1n1. Pour rappel, l'amplification du risque de pandémie a servi les grands laboratoires qui ont écoulé, dans un contexte de crise financière mondiale, en un temps record des millions de doses de vaccin grâce à la panique suscitée. Il a été démontré depuis que certains experts de l'OMS ayant contribué à cette campagne de terreur médiatique ont des liens avérés avec l'industrie pharmaceutique(16). Ces scientifiques de haut vol et à double casquette ont démontré que l'argent pesait lourd dans la balance scientifique. Plus qu'une situation de conflit d'intérêt caractérisée, à ce stade de gravité, n'ayons pas peur des mots et parlons de «mafia scientifique». On pourrait parler aussi des lobbies de l'amiante, du pétrole ou de l'armement, mais la même histoire se répète simplement dans des domaines différents. Le capitalisme cannibale a conduit les hommes dans une lutte sans merci vers l'infini profit. La crise mondiale n'est pas que financière, économique, identitaire ou religieuse ; elle est avant tout morale. Cette faillite de l'esprit, soutenue par la mondialisation de la haine de l'autre, de l'égoïsme, de la cupidité est perpétuellement alimentée par les médias. Pour un observatoire international de l'éthique La course effrénée à l'enrichissement qui se fait par une poignée de personne au détriment d'une majorité est un fait. Dans le monde actuel, 1% des personnes les plus riches gagnent autant d'argent que 57% de la population la plus pauvre(17). Les quelques exemples précédents doivent interpeller tant la situation est grave car l'indifférence des masses populaires, la soumission et l'ignorance organisée font le lit de ce système financier mondial carnassier. Reconnaître les méfaits de ce dernier, c'est commencer la thérapie. Puisque déjà existante en ce qui concerne la corruption, la liberté de la presse ou les droits de l'homme, la création d'une ONG ou d'un observatoire de l'état de l'éthique est un minimum analgésique à administrer à ce monde malade de la folie financière. Ledit observatoire aurait aussi pour mission d'établir des rapports évaluant les événements importants et les décisions à fort impact prises à travers le monde. En plus d'un «label» de crédibilité, l'intérêt de ses activités sera l'apport d'une vision nouvelle car désintéressée, intègre, objective et potentiellement fiable. L'altermondialisme et la démondialisation sont des alternatives crédibles. L'écologie comme programme politique faisait sourire il n'y a pas si longtemps, car perçue comme fantaisiste, voire folklorique. Mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, puisque nous en sommes à devoir tout repenser en fonction de l'environnement : la santé et le bien-être de l'homme. Faute de quoi, les générations futures maudiront nos choix égoïstes, notre indifférence et le lourd tribut de l'avidité de certains de nos contemporains.