La diffusion surprise lundi de deux interviews accordés à des médias américains par Nafissatou Diallo pourrait être à «double tranchant» pour l'accusatrice de Dominique Strauss-Kahn, à une semaine de la prochaine audience à New York, selon des experts. Son apparition sur la chaîne de télévision ABC et dans le magazine Newsweek, après 10 semaines de mutisme, pourrait aider la jeune femme à restaurer son image écornée par le parquet, qui a émis des doutes sur sa crédibilité, et la presse populaire qui, il y a un mois à peine, la qualifiait de «prostituée». Ces deux interviews n'apportent, sur le fond, pas grand-chose sur le déroulement des événements, tels que Nafissatou Diallo dit les avoir vécus. La femme de chambre guinéenne continue d'affirmer que DSK l'a agressée sexuellement dans la suite 2806 du Sofitel de New York, le 14 mai. Sur la forme, ces entretiens font apparaître une femme visiblement atteinte par cette affaire, parfois en pleurs lorsqu'elle raconte sa version des faits. Mais à en croire Brenda Smith, juriste à l'American University de Washington, cette offensive médiatique à une semaine jour pour jour de la prochaine audience de M. Strauss-Kahn à Manhattan vise à maintenir la pression sur les services du procureur Cyrus Vance pour que les charges ne soient pas abandonnées. «Le moment a été choisi pour augmenter la probabilité que le parquet continue, pour que l'indignation soit intacte», juge Mme Smith. «Les procureurs sont très sensibles à l'opinion publique. Je pense qu'ils vont lire dans le marc de café.» Pour cette juriste spécialiste de la violence sexuelle, la tentative de Mme Diallo de prendre l'opinion publique à témoin pourrait cependant être à «double tranchant». Car si le procureur Cyrus Vance est déjà mis sous pression par les avocats de Mme Diallo, il l'est tout autant par la défense. Dans un communiqué diffusé après la publication des interviews de la jeune femme, William Taylor et Benjamin Brafman, les deux avocats de DSK, ont accusé Nafissatou Diallo d'essayer de «se lancer dans une campagne médiatique visant à forcer un procureur à maintenir ses accusations contre un innocent, ce même innocent dont Mlle Diallo veut obtenir de l'argent». «Justice ne sera rendue que lorsque les accusations seront abandonnées et lorsque ce cirque indécent aura pris fin», ont-ils écrit. De même, Matthew Galluzzo, ancien procureur au sein de l'unité des crimes sexuels de Manhattan, juge que Nafissatou Diallo ne sert pas vraiment son cas en se répandant dans les médias. «Le fait d'avoir besoin de faire ce genre de choses tend à indiquer qu'il ne s'est rien passé. S'il s'était effectivement passé quelque chose, (Mme Diallo) n'aurait pas besoin de faire tout cela», explique-t-il. En fait, il est plus probable que Kenneth Thompson, l'avocat de l'accusatrice, soit en train de jeter les bases d'une procédure au civil contre M. Strauss-Kahn. Il serait bien plus aisé de réclamer des dédommagements si l'action au pénal allait dans le sens de l'accusation et M. Strauss-Kahn était condamné au terme d'un procès. Mais pour M. Galluzzo, l'issue de cette dernière procédure n'augure pas forcément du verdict d'un procès au civil. DSK a «un portefeuille bien garni, alors pourquoi pas ? Strauss-Kahn est une personne vulnérable. Les gens célèbres, les gens fortunés sont par définition vulnérables», note-t-il.