Le démantèlement de l'Accord multifibres (AMF) prévu pour l'année prochaine risque de mettre à mal, pour ne pas dire en péril plusieurs économies nationales pour qui le textile représente le principal secteur économique. Le danger est d'autant plus menaçant s'agissant notamment des pays émergents. Le cas de la Tunisie est le plus illustratif. Avec 50% des exportations, 2000 entreprises et plus de 210 000 salariés, le secteur du textile est de loin la véritable locomotive de l'économie tunisienne. Le démantèlement de l'AMF risque de faire plonger l'industrie textile tunisienne, jusqu'ici à l'abri d'une concurrence rude, dans une récession. On craint un accès massif au marché européen des grands producteurs asiatiques et à leur tête le géant chinois. La formidable compétitivité chinoise dans ce secteur fait craindre aux industriels tunisiens un déferlement des produits « made in China », au détriment des producteurs tunisiens bénéficiant aujourd'hui de protections tarifaires en Europe où ils écoulent 80% de leurs produits. Quatrième fournisseur de l'Union européenne en produits textiles, la Tunisie était jusqu'à 2002 le premier fournisseur de la France, avant d'être surclassée par la Chine en 2003, selon un rapport de la Banque centrale de Tunisie (BCT) publié récemment et rapporté par l'APS. En perte de vitesse Une étude de positionnement stratégique, effectuée par le bureau d'études suisse Gherzi, a révélé que la Tunisie, comparée à quelques-uns de ses concurrents (la Chine, le Pakistan, le Bangladesh, la Turquie...) ne compte aujourd'hui à son actif aucun avantage comparatif. Même le marché intérieur ne peut pas servir de levier pour relancer le secteur dans la mesure où 45% des Tunisiens s'habillent chez les fripiers, selon l'étude Gherzi. Peu intégrés et cantonnés dans une sous-traitance peu rémunératrice, les industriels du textile locaux n'auraient été, trois décennies durant, que de « simples receveurs d'ordre, voire de simples poseurs d'étiquettes », selon un expert tunisien cité par l'APS. En dépit de stratégies de modernisation menées depuis une dizaine d'années, avec un cofinancement de l'Union européenne, le secteur commence déjà à manifester des signes d'essoufflement structurels. Après une période de croissance soutenue entre 1997-2001, la production du secteur connaît une quasi-stagnation. Le taux de croissance moyen entre 1997 et 2001 qui était supérieur à 10% est revenu entre 2001 et 2003 voisin de 1%. Les plus fortes régressions ont été observées dans les branches de la filature et du tissage. Les investissements ont suivi le mouvement à la baisse, avec une régression de 30% en 2002 suivie d'une légère hausse de 5,4% en 2003, selon les chiffres de la BCT. Le secteur est en perte de vitesse sur les marchés traditionnels tunisiens à l'exportation, notamment ses deux premiers clients : la France et l'Italie (respectivement 40,3% et 25,6% des exportations). Après un taux de croissance exceptionnel de 23,4% en 2001, les exportations n'ont évolué que de 2,8% en 2002 et de 2,7% en 2003. Ce ralentissement a touché notamment les produits exportés en grande quantité : les vêtements du travail et les vêtements pour bébés. Les articles en coton ont subi en 2003 un fléchissement de 13,7% ne représentant que 1,6% du total des exportations.