Pour le fondateur du mouvement Kifaya, le procès de Moubarak marque une nouvelle étape dans la marche de la révolution. Lui qui a connu les foudres du système du raïs exige que le régime Moubarak soit jugé pour tous les crimes commis contre le peuple égyptien pendant 30 ans de règne. Car «durant trois décennies, des centaines d'opposants ont été tués, des milliers sont portés disparus et des dizaines de milliers d'autres condamnés arbitrairement et ont subi les tortures les plus abominables», défend Abdelhalim Kendil, qui tient le président déchu pour responsable. - Quel est votre commentaire concernant le procès du président déchu Hosni Moubarak et de ses deux fils ? Le procès, aujourd'hui, du président déchu, de ses deux fils et de son ministre de l'Intérieur constitue un événement unique et exceptionnel dans la vie de l'Egypte et dans le monde arabe. Un moment décisif. C'est le premier procès national contre un despote qui a régné d'une main de fer pendant trente ans. Ce procès est d'une valeur historique, parce qu'il s'agit de la consécration de quelque chose qui était jusque-là impossible et inimaginable. La seconde signification importante de ce procès est la pression de la rue et de la jeunesse et sa résistance, depuis le 25 janvier, pour la défense de sa révolution. C'est cette persévérance qui a obligé l'actuel pouvoir – le Conseil suprême des forces armées – à ramener Hosni Moubarak en personne au tribunal et a permis la tenue de ce procès. C'est une autre victoire du peuple égyptien dans sa marche vers son émancipation et la construction d'un Etat démocratique. - S'agit-il du procès du régime ou bien seulement de celui du clan Moubarak ? Incontestablement, c'est le procès du régime. Il faut rappeler que depuis trois décennies, le régime était Moubarak et Moubarak était le régime. Bien que les affaires pour lesquelles sont poursuivis Moubarak, ses fils, son ministre de l'Intérieur et ses proches collaborateurs soient minimes par rapport aux crimes commis contre des Egyptiens pendant trente ans de règne. Ces affaires sont seulement celles liées aux tueries perpétrées pendant la révolution du 25 janvier, de corruption et de vente de gaz à Israël. Elles impliquent d'autres barons de l'ancien régime et ils seront traînés devant la justice. Le procès ne doit pas se limiter uniquement aux affaires précitées. Des centaines d'opposants politiques tués, des milliers de disparus, des milliers d'Egyptiens condamnés arbitrairement et torturés à mort. Les atteintes à l'économie nationale et la mise en danger des intérêts de la nation sont autant de dossiers pour lesquels Moubarak et son régime devraient être jugés également. Sa responsabilité au regard des pouvoirs que lui conférait la Constitution en tant chef d'Etat est totale. - Cependant, certains dignitaires du régime Moubarak ne sont pas poursuivis, tels que l'ex-patron des services secrets, Omar Souleymane. C'était pourtant un personnage-clé dans la hiérarchie du pouvoir… Certes, l'ancien responsable des «moukhabarate», Omar Souleymane, n'est pas dans le box des accusés, mais il est impliqué directement dans l'affaire de la vente du gaz à Israël et également de par ses déclarations au début de la révolution et dans d'autres affaires. Pas seulement lui, il y a également Amr Moussa. Il est aussi mêlé dans la vente du gaz ; il y a joué un rôle quand il était ministre des Affaires étrangères. Des enquêtes et de nouveaux documents prouvent son implication dans cette affaire ; il devrait être poursuivi pour trahison. Le procès ne se limite pas uniquement à des affaires en rapport avec ce qui s'est passé durant la révolution du 25 janvier. Le régime a commis des crimes contre les Egyptiens. Il y a eu, pendant trente ans de tyrannie, de graves violations des droits de l'homme. Sous Moubarak, nous avons connu et subi les pires atrocités. Ces crimes ne doivent pas rester impunis. - Quelles seront les implications de ce procès sur la suite de la révolution ? Ce procès donne un nouveau souffle à la révolution. Après la prise du pouvoir par le Conseil suprême des forces armées (CSFA) pour gérer une période de transition, il y a eu des flottements. On a tenté de retarder le processus révolutionnaire, ce qui a laissé place à une méfiance entre la rue et le CSFA. Une fissure entre les deux camps. Ce procès, en présence de l'ancien dictateur, est un début pour réduire ce fossé. La tenue de ce procès montre une fois de plus que la force du pouvoir vacille devant la résistance, la justesse et la détermination d'un peuple dans sa lutte pour en finir à jamais avec la tyrannie. Ce qui s'est passé aujourd'hui donne de la force non seulement aux Egyptiens, mais également à tous les peuples arabes pour renverser les régimes despotiques.