Un peu plus de deux semaines après l'éclatement du scandale relatif aux affaires de harcèlement sexuel dont se serait rendu coupable le directeur de la Chaîne IV de la Télévision nationale envers plusieurs journalistes femmes, la direction de l'ENTV et le ministère de tutelle continuent de se murer dans un étrange et inexplicable silence qui confine à de la complicité ou du moins à une solidarité agissante envers le principal mis en cause. Certains médias ont également décidé de recouvrir cette affaire d'un voile pudique et complice, préférant, de fait, refuser leur soutien à des femmes qui ont fait preuve d'un courage aussi rare qu'admirable dans ce combat pour leur honneur et leur dignité. Ainsi, ni la gravité des faits, ni la précision des témoignages, ni leur nombre ahurissant n'ont réussi à convaincre les autorités compétentes de prendre ne serait-ce que des mesures conservatoires contre le coupable présumé. Même le communiqué du SNJ, le Syndicat national des journalistes, tombé mercredi, annonçant une action en justice d'un groupe de plaignantes contre le mis en cause et largement repris par les médias nationaux n'a pas encore trouvé d'écho. «L'homme se prévaut publiquement d'une ‘‘amitié'' protectrice et donc immunisante du chef de l'Etat. Il a pu, en tout cas, bénéficier jusque-là de tergiversations complices de la part de la direction de l'ENTV, et ce, en dépit des instructions du ministre de la Communication qui lui demandait l'ouverture d'une enquête avec, éventuellement, la prise de mesures conservatoires…», souligne à juste titre le communiqué du SNJ. Le recours à la justice est vu par le syndicat comme une extrémité inévitable pour des «consœurs bafouées dans leur intégrité morale». Il dénonce au passage «la campagne de représailles que mène à leur encontre le directeur de la Chaîne IV» depuis qu'elles ont osé briser le silence et porter l'affaire sur la place publique, peut-on encore lire dans le communiqué du SNJ. Pour en savoir un peu plus sur la plainte déposée, nous avons pris soin de contacter Me Youcef Dilem, l'avocat qui a pris en charge l'affaire et qui tient d'emblée à saluer le courage des plaignantes. «Nous avons déposé une plainte auprès du procureur de la République au niveau du tribunal de Sidi M'hamed, à Alger, pour des faits graves et dramatiques. Il s'agit d'un groupe de plaignantes qui estiment qu'elles ont subi des pressions et un harcèlement sexuel de la part de leur directeur. Toutefois, ce groupe est appelé à s'élargir au vu des témoignages qui continuent de nous parvenir. Nous espérons que cette plainte trouvera un écho et une réaction positive auprès du parquet. Nous sommes prêts à aller à l'instruction», dira Me Dilem. Trois possibilités s'offrent au procureur, selon notre interlocuteur. Il peut décider d'un non-lieu et classer l'affaire, il peut demander à la police judiciaire de diligenter une enquête, tout comme il peut orienter l'affaire vers le juge d'instruction. «Dans tous les cas de figure, nous sommes déterminés à aller jusqu'au bout pour rétablir dans leur droit et leur dignité ces femmes courageuses et blessées dans leur âme», dira-t-il. De son côté, la Fédération internationale des journalistes (FIJ) suit de près cette affaire. Son président, Jim Boumelha, a pris contact avec Kamel Amarni, le secrétaire général du SNJ, afin d'en savoir un peu plus sur les tenants et les aboutissants de ce qui s'apparente à un scandale retentissant. Ses services ont également cherché à prendre attache avec les victimes pour des raisons que nous ignorons, mais nous pouvons aisément supposer qu'il s'agit de leur apporter aide, soutien moral et assistance. Affaire à suivre.