Septembre 1993, Si Mustapha Muller a rendu l'âme dans la wilaya de Tamanrasset à l'âge de 67 ans, où il a été enterré. Il était en mission de tournage d'un documentaire en compagnie de Abdellah Tikouk. Mis à part la cérémonie du 40e jour qui lui a été consacrée, c'est l'oubli. La vie et le combat de Si Mustapha, alias Winfred Muller, né le 19 avril 1926 à Wiesbaden, en Allemagne, d'un père autrichien et d'une mère allemande, ami dévoué de l'Algérie qui a rejoint le FLN de France en 1954 et participé à la création des parcs nationaux algériens, ne sont qu'un souvenir. Mais il a fallu attendre le 16 juillet 2011 pour que l'Algérie officielle, rétablie de son amnésie, se souvienne de Muller ! Une rencontre s'est donc déroulée au nouvel écomusée de Tikjda ; le premier hommage après sa mort en 1993. L'ambassadrice d'Autriche en Algérie, Mme Aloisia Wörgetter, y était présente. Un film documentaire sous le titre Si Mustapha Muller : un destin allemand, retraçant la vie de l'homme, a été projeté. Ainsi, ses amis ont parlé de lui. Le premier à raconter à l'assistance le vivant de Muller était Hamdane Meziane, président actuel de la Fédération nationale de ski et des sports de montagne (FASSM). Ce dernier a raconté, non sans émotion, ce qu'était réellement Si Mustapha Muller. «C'est grâce à lui que les parcs nationaux algériens, le Djurdjura, le Tassili et le Hoggar ont vu le jour», selon Hamdane. Cet amour profond de l'Algérie et de sa nature a fait de Muller l'homme le plus aimé et respecté de tous. Il était généreux. «Muller a mis beaucoup de ses propres moyens financiers au service du parc national de Djurdjura», témoigne encore Hamdane. Un fervent épris de la nature Abdellah Tikouk, réalisateur de films documentaires, n'a pas manqué, lui aussi, l'occasion de parler de Muller avec qui il avait réalisé près d'une trentaine de documentaires sur la protection de la nature et les espèces animales et végétales. «Mustapha Muller est d'abord un homme qui s'est dévoué et sacrifié pour l'Algérie. Il avait un grand amour pour ce pays. Pour ce qui est de la rencontre d'aujourd'hui, enfin la reconnaissance d'un homme qui a tant donné à ce pays, et qui mérite une statue ici à Tikjda ou un musée en son nom pour tout ce qu'il a donné à la nature algérienne et à l'Algérie», dit Abdellah Tikouk. L'ambassadrice d'Autriche, qui a suivi avec attention le récit des amis de Muller, a insisté pour qu'elle puisse voir tous les documentaires qui ont été réalisés par Si Mustapha Muller et Abdellah Tikouk. «Je voudrais bien qu'entre nos deux pays il y ait une coopération dans le domaine de la protection de la nature et dans le domaine des sports de montagne», ajoute la diplomate. La mémoire de l'ami infatigable de la nature est enfin dépoussiérée. Pour sa fille Rachida, ce samedi est un grand jour. Son souhait le plus cher est celui de continuer le combat de son père avec «sincérité» et «acharnement». «Je suis émue et très touchée par la présence des gens qui ont beaucoup aimé Mustapha Muller. Je suis également très touchée par le geste de Son Excellence l'ambassadrice d'Autriche qui a assisté à cet hommage. Comme je remercie les autorités de Bouira et d'Alger. Je suis fière d'être la fille de Muller et d'avoir son éducation. Je souhaite qu'on m'aide à continuer le chemin et le combat de Muller avec sincérité et acharnement», souligne Rachida. L'ami dévoué du peuple Pour Kaci Latef, fonctionnaire du Parc national de Djurdjura, instructeur de ski, Muller était un grand écologiste avant l'heure. «Si Mustapha Muller a aimé le Djurdjura, il lui a consacré toute sa vie. Il a rendu un grand service aux populations de la région. Si je suis aujourd'hui un inspecteur au Parc national du Djurdjura (PND), c'est grâce à lui. Muller était un écologiste avant l'heure», dit-il. Fervent défenseur de la nature, Muller s'était opposé, dans les années 80, à un projet de route qui devait relier la station de Tikjda à la région d'Ath Reggane (Tizi Ouzou) en traversant la réserve de Djurdjura. Le projet fut alors annulé grâce à la détermination de Muller. «Je suis content qu'on lui rende un hommage aujourd'hui. Muller a été oublié depuis sa mort en 1993. En tant que son ami, je tiens à remercier ceux qui ont pensé à l'organisation de cette rencontre sur Si Mustapha Muller», ajoute Kaci Latef. A la fin de la rencontre, les autorités locales de Bouira se sont engagées à organiser, d'ici l'été prochain, un séminaire sur la vie de Si Mustapha Muller et de baptiser un édifice en son nom. Si Mustapha Muller, qui a participé à la guerre de libération puis fonctionnaire dans plusieurs ministères ainsi qu'au Parc national, à la Fédération nationale de ski et des sports de montagne, mérite plus d'un édifice portant son nom.