Les hôtels constituent la seule alternative pour s'offrir tranquillement un repas loin des regards intolérants. Les étrangers de confession non musulmane, résidant ou de passage en Algérie, s'adaptent au rythme de ce mois sacré chez les musulmans. En tout cas, ils sont contraints de faire semblant de jeûner dans les lieux publics. «Je fais carême. Je n'ai donc aucun problème d'adaptation avec le Ramadhan», déclare un homme d'affaires français, rencontré au centre d'affaires du Hilton. Bien qu'ils n'y soient pas obligés, nombreux sont les étrangers qui observent l'abstinence devant les jeûneurs. Ces derniers ne sont pas toujours tolérants. Depuis les années quatre-vingt-dix, boire, manger ou ne serait-ce que fumer durant la période de jeûne sont des actions passibles de corrections verbales ou, pire, physiques, orchestrées par des pseudo-jeûneurs. «Je ne fais pas Ramadhan mais je ne mange pas en public. Je fais attention à ne pas toucher aux sentiments de mes voisins jeûneurs et à ne pas provoquer les plus intolérants d'entre eux», témoigne Marie. Cette quadragénaire d'origine française, habitant Sidi Yahia, à Hydra, ajoute : «Je ne change rien à mes habitudes. Tous les jours je fais mes courses et je prépare à manger chez moi.» Ce n'est pas le cas, par contre, des jeunes cadres et employés habitués des bars, restaurants et cafés de la capitale. Ceux-là subissent un chamboulement de leurs habitudes gastriques. A midi, ils ne peuvent chercher les rares restaurants qui travaillent clandestinement. Du coup, les hôtels constituent la seule alternative pour s'offrir un repas habituel avec les amis, loin de l'intolérance. L'hôtel Ibis de Bab Ezzouar a réaménagé ses horaires de restauration en tenant compte des jeûneurs et des non-jeûneurs. «Nous offrons un plein service durant ce mois. Nous gardons nos horaires habituels de restauration auxquels nous avons rajouté le f'tour et le s'hour. Nos clients sont servis à leur guise», indique Hocine, réceptionniste. Les étrangers, habitués de cette structure hôtelière, sont satisfaits par un service presque parfait. «Je suis tranquille. Je prends mes repas normalement ici. Dehors, j'évite de casser le jeûne par respect pour les Algériens qui font Ramadhan», affirme Park Jin Man, cadre d'une société de BTP basée à Oran. Ce Sud-Coréen d'une trentaine d'années déclare qu'il n'a pas de problème avec «cette fête religieuse des musulmans». A table devant son ordinateur portable, un Arménien nous explique dans un français approximatif qu'il n'est «pas concerné par le Ramadhan. Je suis chrétien. En plus, je fais seulement une escale à Alger avant de reprendre un avion vers Hassi Messaoud». La discrétion est de mise Au niveau des hôtels grand standing, on oublie parfois que c'est le mois de Ramadhan. Les bars restaurants y sont ouverts toute la journée. A titre d'exemple, le Sheraton d'Alger est prisé par les hommes d'affaires et diplomates étrangers ; on y croise aussi quelques touristes. Ces clients profitent de leur passage dans cet hôtel luxueux pour faire quelques plongeons dans la piscine avant de boire et manger à satiété. En effet, le restaurant au bord de la piscine sert toutes sortes de plats et de boissons. Cependant, certains patrons d'hôtels, classés ou non, refusent d'assurer le déjeuner à leurs clients sous prétexte de ne pas vouloir porter atteinte au mois sacré. Les ouvriers étrangers, pour leur part, ne trouvent aucune différence entre le mois de Ramadhan et le reste de l'année. Sur un chantier, aux Annassers, des Chinois ne se soucient guère du déjeuner : «On a l'habitude de manger sur le lieu de travail. Durant le Ramadhan, rien ne change donc, avec plus de discrétion quand même…» Au niveau des bases-vie pétrolières du Sud algérien, les employés des multinationales n'ont rien changé à leurs habitudes alimentaires. «Les étrangers sont servis selon les horaires ordinaires d'avant-Ramadhan», témoigne un chef de rang dans une société de catering, à Ouargla. Dans le même sens, les entreprises algériennes et les filiales de sociétés étrangères exerçant dans notre pays, demandent à des traiteurs des livraisons de repas pour leurs «employés étrangers uniquement». «Notre société a l'habitude de travailler avec un traiteur qui nous livre des repas préparés à l'heure du déjeuner. Nous mangeons tranquillement dans le réfectoire», révèle un cadre espagnol d'une multinationale de boissons basée à Rouiba. C'est dire les étrangers s'en sortent tant bien que mal durant le mois de Ramadhan en Algérie. Cependant, les plus sensibles au «basculement de la vie» durant cette période ont choisi la route de l'aéroport. Les vacances sont ainsi finies pour certains et débutent pour d'autres. Ces derniers font le chemin inverse des immigrés algériens qui préfèrent rentrer au bled pour passer le Ramadhan en famille.