Eric Pichet est un administrateur indépendant de différentes sociétés, il siège au conseil d‘administration de plusieurs fonds internationaux cotés (Hedge Funds notamment), essentiellement à Londres et à Paris. - La dégradation de la note de la dette américaine, du triple «A» au «AA+», a fait chuter les taux sur les Bourses dès leur ouverture lundi matin. Comment s'explique cet affolement ? Les marchés ont été pris par surprise par la dégradation de la note américaine, une première depuis la création de Standard & Poor's (S&p) en 1941. En fait, le compromis signé laborieusement entre le président Obama et le Congrès avait soulagé les marchés financiers qui pensaient que le risque d'une dégradation était écarté à court terme. Toutefois, S&P n'est pas responsable de l'incapacité de la classe politique américaine à trouver un moyen de réduire le déficit public de l'Etat fédéral qui reste aux environs de 10% du PIB. - Quelles peuvent être les répercussions de cette rétrogradation de la note sur l'économie américaine à court, moyen et à long termes ? Y aura-t-il récession ? L'impact sur l'économie américaine sera nul ou marginal. La décision de S&P aura en revanche un impact sur les marchés financiers, mais sans doute uniquement à très court terme. La question du risque de récession américaine est un autre débat. A mon sens, la sortie de la crise financière de 2007-2009 sera longue car il faudra que l'économie américaine réduise son endettement global, d'où une sortie de crise lente, comme c'est traditionnellement le cas au sortir des «crises économiques» liées à l'endettement. - En Europe, quelles sont les hypothèses les plus en vue pour contrer la crise, sachant que la Banque centrale européenne n'a pas fait preuve d'optimisme ? L'Europe va également connaître une reprise lente. Les Etats du Sud ainsi que la France devront lancer les réformes que les Allemands ont faites au cours des dix dernières années (réforme des retraites et du marché de l'emploi notamment). Ce qui explique aussi leur meilleure compétitivité. La BCE ne pourra de toute manière pas acheter toutes les obligations à émettre des payes du sud de l'Europe… - Si rien n'est fait pour revenir à une situation dite normale, peut-on craindre l'avènement d'un nouveau krach boursier ? Je pense que les cours sont déjà très bas, les actions du CAC 40 rapportent près de 5% en moyenne, soit nettement plus que les emprunts d'Etat (3,2%). C'est une situation très rare historiquement et favorable aux actions à moyen terme. - Est-ce que le monde sera confronté à un nouvel épisode de ralentissement économique ? Si la récession se confirme aux Etats-Unis, le monde connaîtra un ralentissement, mais les pays émergents vont prendre le relais de la croissance. Il faut bien distinguer le court terme du moyen/long termes. Le problème principal de l'Inde, de la Chine et du Brésil est actuellement la surchauffe et l'inflation. Un ralentissement de l'économie américaine pourrait donc les aider à réduire les tensions inflationnistes à court terme. - Et qu'en sera-t-il pour l'Algérie ? Pour ce qui est de l'Algérie, les tensions inflationnistes sont fortes actuellement du fait de la hausse des salaires accordée ces derniers mois. La dépendance du pays au cours du pétrole aura des conséquences négatives à court terme du fait de la baisse des cours qu'entraîne le ralentissement conjoncturel de l'économie mondiale. A moyen et long termes, il est toutefois clair que les cours du pétrole remonteront car la demande des BRICS et des autres pays émergents va se poursuivre.