La guerre menée par l'OTAN contre le régime du colonel El Gueddafi, qui dure depuis 145 jours, commence à faire de moins en moins l'unanimité au sein de l'opinion publique occidentale. Des milieux politiques commencent, du moins, à s'interroger sérieusement sur son efficacité, sa légitimité et ses objectifs. Les interrogations se sont faites insistantes depuis notamment que tout le monde a clairement constaté que les «Atlantistes» ont outrageusement dépassé le cadre qui leur avait été défini par les résolutions 1970 et 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU. «Comment ne pas s'interroger sur une intervention militaire initialement légitime, sous l'égide de l'ONU, pour neutraliser le ciel libyen et protéger les populations civiles de Benghazi et constater qu'elle a perdu ensuite de sa neutralité et de sa raison originelle ?», affirment quatre anciens députés européens – trois Français et un Britannique – qui se sont rendus début août à Tripoli, où ils ont eu des contacts avec des responsables libyens. A l'issue de leur visite du 4 au 7 août à Tripoli, ce panel s'étonne d'abord, dans une déclaration envoyée hier à l'Agence France presse, «de la sous-estimation par l'OTAN du poids réel – politique et militaire – de Mouammar El Gueddafi de la surestimation de la représentativité du Conseil national de transition (CNT) et de sa capacité à diffuser la révolte au-delà de la région de Benghazi». Ce n'est pas tout. Les quatre ex-élus européens, parmi lesquels le Français Thierry Cornillet (Parti radical, centre-droit), président de l'Association internationale des régions francophones (AIRF), qui dit avoir été sollicité par des élus de pays de la région du Sahel pour organiser cette visite, doutent également de la capacité des rebelles du CNT à renverser le rapport de force en leur faveur. Et cela même avec l'aide de la puissante aviation de l'OTAN. Aussi, parlent-ils d'enlisement et craignent de voir la guerre s'étaler dans la durée. «Au bout de 140 jours de guerre menée par la coalition, force est de constater que le conflit OTAN-Libye est marqué par un enlisement dont il semble difficile de s'extraire», écrivent-il dans leur communiqué. Libye, un avenir des plus incertains Pour sortir du bourbier libyen, M. Cornillet, Margie Sudre (UMP, majorité présidentielle, ex-ministre), Michel Scarbonchi (ex-PRG, centre-gauche) et le Britannique John Corrie (conservateur) – qui disent soutenir les efforts de médiation de l'UA dans cette crise – préconisent la tenue à Paris d'une «commission préparatoire au dialogue inter-libyen réunissant, sous l'égide de l'ONU et de l'Union africaine, les représentants de l'OTAN, de l'Union européenne, des autorités de Tripoli et du CNT». Les quatre anciens députés européens rejoignent globalement le constat fait de la guerre civile en Libye par l'ancien patron de la DST française, Yves Bonnet. Dans un entretien accordé à la fin du mois dernier au journal France Soir, M. Bonnet n'avait pas hésité à qualifier la politique de Sarkzoy en Libye, de «grand n'importe quoi» qui mène au désastre et casse un «verrou contre Al Qaîda et l'immigration clandestine». L'ancien patron de la DST française, Yves Bonnet, avait mis aussi en garde contre la «tour de Babel» du CNT libyen. Derrière des personnes avenantes se cachent d'anciens hommes du régime et, pire selon lui, des islamistes. Cette thèse est notamment soutenue par une mission d'experts, organisée par le Centre international de recherche et d'études sur le terrorisme et d'aide aux victimes du terrorisme (CIRET-AVT) et le Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), qui s'est rendue au mois de juin en Libye. La mission qui comptait justement parmi ses membres l'ancien patron de la DST française, Yves Bonnet – et aussi l'Algérienne Saïda Benhabylès – avait conclu que les Occidentaux avaient fait preuve d'aventurisme grave en soutenant un Conseil national de transition, à la composition hétéroclite et qu'en œuvrant à faire dégager le colonel El Gueddafi, ils pavaient le terrain aux islamistes. Au terme de leur mission, ces experts ont publié un rapport intitulé : «Libye : un avenir incertain». Celui-ci notait que l'intervention occidentale créait plus de problèmes qu'elle n'en résout et affirmait que les «manœuvres actuelles risquent fort de déstabiliser toute l'Afrique du Nord, le Sahel, le Proche-Orient, et de favoriser l'émergence d'un nouveau foyer d'Islam radical, voire de terrorisme». Pis encore, pour l'ancien patron de la DST, la «révolution libyenne» n'est qu'une manœuvre d'un clan du régime obéissant à des motivations tribales.