Alors que l'Algérie n'applique plus la peine capitale depuis 1993, des prisonniers condamnés à mort se voient toujours refuser l'aide alimentaire familiale. Depuis 1993, date de la dernière condamnation à mort, la peine capitale ne signifie plus dans la pratique «exécution de la peine». Comme au Maroc en 1993, l'Algérie a décidé de ne plus appliquer la peine de mort après la mise en place d'un moratoire. En revanche, des peines de mort sont toujours prononcées par les juridictions algériennes. Dans son troisième rapport périodique de 2006 remis au Comité des droits de l'homme, l'Algérie a bien confirmé qu'aucune exécution n'avait été menée depuis 1993. D'après le rapport d'Amnesty International de 2009, l'Algérie a prononcé plus de 200 condamnations à mort en 2008, se plaçant ainsi à la quatrième position des pays qui ont recours le plus souvent à cette peine, derrière la Chine, l'Iran et le Pakistan. Ici s'arrête la comparaison. Alors que dans les rendus de jugement, la justice marocaine a de moins en moins recours à cette peine, l'Algérie n'a de cesse de l'utiliser. Le 12 janvier 2009, lors d'une conférence organisée à Alger par la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme (CNCPPDH), plusieurs personnalités politiques et religieuses, dont le ministre des Affaires religieuses et du Waqf (MARW) ainsi que le Haut-Conseil islamique (HCI), s'étaient prononcées contre l'abolition de la peine de mort. Youcef Belmahdi, représentant du MARW, considérait à l'époque qu'«il (n'était) pas dans l'intérêt de l'humanité d'abolir la peine capitale», estimant que les abolitionnistes avaient tendance à privilégier les droits des prisonniers au détriment de ceux de la famille et de la victime. Atteinte à la présomption d'innocence Les familles de détenus ont normalement le droit d'apporter un panier de nourriture aux prisonniers, tous les quinze jours et une fois par semaine pendant le mois de Ramadhan, seule évasion gustative face à la nourriture carcérale pour améliorer leur ordinaire. Les condamnés à mort, même malades, sont alors tenus de se satisfaire de la nourriture carcérale. L'Algérie fait aujourd'hui partie des nombreux pays qui, en pratique, n'appliquent plus la peine de mort, mais continuent de traiter les condamnés à mort comme s'ils allaient être exécutés. Une réglementation de la direction générale de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion (DGAPR) interdit depuis 1991 le panier alimentaire aux détenus condamnés à mort, sans réelle raison, sans aucune base législative, instituant ainsi une discrimination entre prisonniers condamnés à la peine capitale et ceux purgeant une peine «normale». Joint à plusieurs reprises par téléphone, le directeur général de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion (DGAPR) n'a pas donné suite à nos demandes. Si la peine de mort n'est plus appliquée, on est en droit de se demander quelle est la pertinence de cette interdiction, si ce n'est leur rappeler leur triste statut. Pire, les condamnés à mort, qui ont engagé des pourvois en cassation, dont la peine n'est pas définitive, n'ont pas le droit au panier familial, ce qui constitue une grave atteinte à la présomption d'innocence. Dans un pays où l'aide alimentaire en milieu carcéral est plus qu'une obole, plusieurs dizaines de prisonniers n'ont pas le droit à cette aide. Pire encore, les condamnés à mort, dont la Cour suprême a cassé le jugement, sont également privés de panier. Alors que dans la loi, rien ne mentionne l'interdiction faite à ces prisonniers de bénéficier d'un couffin. Ainsi, deux détenues condamnées à mort, Wassila et Farida, ne sont pas autorisées à recevoir cette aide alimentaire, alors qu'elles ont engagé un pourvoi en cassation auprès de la Cour suprême. La famille de Wassila, après un recours auprès du ministère de la Justice, n'a pu bénéficier de ce panier qui lui était accordé avant octobre 2010, alors que Wassila est très malade. Une des sœurs des condamnées précise : «Lorsque nous nous sommes vu refuser l'envoi d'un panier pour notre sœur, nous avons déposé un recours auprès du ministère de la Justice. Ma sœur n'a même pas droit à ce panier, alors que nous avons fait appel de sa condamnation et nous attendons une réponse de la Cour suprême. Ce qui est révulsant, c'est aussi le caractère discrétionnaire de l'application de cette règle absurde : nous savons que d'autres détenues, une condamnée à mort en l'occurrence, bénéficie normalement de ce panier alimentaire de la part de sa famille. Le ministère de la Justice s'est ensuite adressé à l'administration pénitentiaire qui nous a confirmé cette interdiction.»