La Commission nationale, en concertation avec le Tribunal constitutionnel, ont rendu publique, le week-end dernier, la liste des six candidats qui répondent aux critères de participation á la prochaine élection présidentielle au Portugal. Ils étaient treize à déposer leur dossier, dont sept sont rejetés pour ne pas avoir présenté la totalité des 7500 signatures exigées par la loi électorale et ont un délai de 48 heures pour le faire. Ces candidats « inaptes » sont des personnalités venues de plusieurs secteurs de la société : université, finances... et leurs candidatures sont considérées, par les uns, comme une participation civique et, par d'autres, comme folkloriques. En revanche, les six présidentiables sont des habitués des urnes. Le doyen est Mario Soares qui, à 81 ans, n'a pas hésité á répondre favorablement à la sollicitation de la direction du Parti socialiste qui avait longtemps souhaité comme candidat António Gueteres, ex-Premier ministre, ou Antonio Vitorino, ancien Commissaire européen à la justice. Le premier a préféré le poste de haut-commissaire pour les réfugiés aux Nations unies, une fonction qui donne une autre dimension à sa notoriété au-delà des frontières et renforce la place du Portugal dans les instances internationales ; le second, lui, a choisi d'exercer sa fonction dans un cabinet d'avocats et assumer son siège à l'Assemblée nationale, comme député du PS. La direction du parti avait alors porté son choix sur l'ancien locataire du Palacio de Belem, mettant en exergue son expérience et sa notoriété internationale. Critiqué pour avoir accepté de participer à cette course électorale à cause de son âge avancé, Mario Soares avait répondu : « Mes 81 ans sont un stimulant pour les vieux qui ne veulent pas mourir avant l'heure. » Mais le Parti socialiste est confronté à un sérieux problème : l'emblématique Manuel Alegre. En présentant sa candidature, l'ancien exilé en Algérie a décidé d'affronter non seulement les autres adversaires et les urnes, mais aussi Mario Soares, son ami de 30 ans, et surtout les éléphants qui composent la machine de son propre parti : José Socrates, l'actuel chef du gouvernement et secrétaire général du PS, Antonio Costa, le tout-puissant ministre d'Etat et ministre de l'Intérieur, et le chef de l'appareil du PS, George Coelho. Lors de la présentation de sa candidature, Manuel Alegre a fustigé Mario Soares qu'il avait accusé de ne pas encourager le rénovation politique républicaine. Cette critique est partagée par de nombreux Portugais, même dans les rangs du PS. Silvia, 24 ans, étudiante en sciences politiques à l'université de Lisbonne, a déclaré à El Watan : « Mario Soares ne peut s'abstenir de se présenter que devant la candidature de son fils João. Il incarne l'exemple d'un politique d'une république monarchique. » Les résultats de ces deux candidats feront couler beaucoup d'encre. Dans deux sondages publiés récemment, l'un est favorable à Manuel Alegre et l'autre à Mario Soares. Il a aussi fait part des soutiens qu'il reçoit des militants socialistes, dont beaucoup de cadres, mais préfèrent ne pas s'afficher par peur de représailles et menaces de la part des promoteurs de la candidature de Mario Soares. Une victoire de Manuel Alegre devant Mario Soares (même sans devenir le prochain locataire du Palacio de Belem) provoquerait un « tsunami politique » au sein du PS et une éventuelle défaite lui signifierait une voie de garage. Ce sera l'exemple d'une longue et riche carrière politique à triste fin, tout comme Mario Soares. Trois autres candidats de gauche : le communiste Jerónimo de Sousa, candidat soutenu par le Parti communiste portugais (PCP), n'a aucune chance d'être élu, même pas de passer à un éventuel deuxième tour, selon tous les sondages. Il demandera un transfert de ses voix au candidat de gauche le mieux placé. Son résultat lui servira d'élément d'analyse électorale pour les prochaines échéances. Tout comme Garcia Pereira, avocat de profession et homme politique, président du MRPP d'obédience maoïste sans représentation parlementaire, ce qui l'avait empêché de participer aux débats organisés par les chaînes de télévision généralistes portugaises, l'une publique et les deux autres privées. Il avait obtenu 1,9% des voix lors de la dernière élection présidentielle et les sondages lui prévoient le même score dans la prochaine qui se tiendra le 22 janvier. La révélation sur la scène politique portugaise est sans doute le trotskiste Francisco Louça. Le leader du Bloco de Esquerda (BE) continue sur sa lancée de la dernière élection législative : il est passé de 2 à 8 députés et de 50 000 à 300 000 voix en l'espace d'une législature. Le favori de cette élection Professeur d'économie, ayant le verbe facile, il défend le droit des minorités sociales : le mariage des homosexuels et la régularisation des étrangers en situation irrégulière. Il avait sérieusement inquiété le candidat de droite Aníbal Cavaco Silva lors de leur confrontation télévisée. Il pourra atteindre 7 à 8% des voix. Tous les sondages lui confèrent une victoire certaine avec la possibilité d'être élu dès le premier tour avec 52% des voix. Candidature unique à droite, social démocrate, l'ancien Premier ministre est professeur d'économie. Malgré le soutien de certains cercles économico-financiers, certains refusent de voter pour lui telle la Jeunesse sociale démocrate (JSD), très proche de l'ancien chef du gouvernement Pedro Santana Lopes. Lui non plus n'a pas encore oublié l'article qu'avait publié Cavaco Silva pour provoquer la chute de son gouvernement en suggérant « la substitution des politiques incompétents par des politiques compétents ». Considéré par ses fans comme l'un des meilleurs économistes du pays - Francisco Louça a démontré le contraire - , Cavaco Silva est, selon tous les observateurs, un mauvais communicateur, vision économiciste du monde, style technocrate, froid et distant, un homme, c'est juste un chiffre. Ce qui a fait dire à l'un des chroniqueurs du dimanche : « A chaque fois qu'il ouvre la bouche, il perd 4% des voix. » Ses conseillers en communication lui ont suggéré d'intervenir rarement, ce qui a ouvert une brèche et les critiques n'ont pas tardé à pleuvoir d'abord du vieux briscard Soares : « Un candidat à la présidence de la République doit intervenir pour édifier les Portugais sur ses intentions. » Et les autres candidats ont suivi. Récemment, il aurait fait une autre gaffe en suggérant la création d'un secrétariat d'Etat aux entreprises spécialement pour éviter la délocalisation des entreprises étrangères du Portugal. Les candidats de gauche ne se sont pas fait prier pour tirer sur lui à boulets rouges. Manuel Alegre l'accuse de vouloir « devenir le commandant suprême du régime et gouverner à partir du Palacio de Belem ». Les autres lui reprochent « l'ingérence inadmissible dans les prérogatives du Premier ministre et un dangereux manque de loyauté institutionnelle ». Les communistes revivent encore leur crainte de voir un Président de droite. Durant la précampagne, de nombreux débats télévisés ont été organisés, mais loin d'être des face-à-face, mais plutôt, côte à côte. Les candidats confrontés au régime semi-présidentiel, qui limitait les prérogatives présidentielles, avaient adopté des stratégies pour sauvegarder les voix qu'ils supposaient leurs plutôt que de partir à la conquête de celles des autres et des indécis, mais la vraie campagne électorale ne commencera que le 8 janvier.