Le gouvernement veut déterrer le rapport Missoum Sbih sur les réformes de l'Etat. Un rapport presque tombé aux oubliettes depuis que sa mise en application n'est plus évoquée publiquement au niveau officiel. Missoum Sbih, ex-conseiller juridique à la présidence de la République, a été nommé ambassadeur d'Algérie à Paris, l'été 2005. Du fait de ses nouvelles charges, il ne suit plus le dossier sur lequel il a planché pendant des mois avec un groupe d'experts. Le rapport sur les réformes de l'Etat a été remis au président de la République en 2001. A ce jour, il n'a pas été rendu public dans le détail. Or l'actuel gouvernement veut se « baser » sur ce document afin de trouver les ressorts efficaces pour l'action à venir d'une commission devant contrôler l'utilisation de l'argent public. L'annonce en a été faite hier par le ministre des Finances, Mourad Medelci. « Rationalité » L'opinion nationale devra faire preuve d'une imagination débordante pour détecter les articulations sur lesquelles la future commission des contrôleurs va travailler. A supposer que le souci du gouvernement soit la transparence dans la gestion, pourquoi avoir gardé alors au « secret » le rapport Sbih et interdit aux Algériens de connaître la teneur des réformes à mener au sein de l'Etat pour le faire sortir quatre ans après et en faire un référent unique ? Les « réformes » de l'Etat ont-elles été réellement mises en application ? Si oui, quel en est le bilan ? De retour d'une longue convalescence à Paris, le président de la République a relancé ce même rapport. « Je m'engage de nouveau à poursuivre, grâce à votre soutien, citoyens et institutions, mes efforts en vue de conférer davantage de rationalité à l'Etat, d'engager la réforme de ses structures de manière à imposer la force de la loi », a promis Abdelaziz Bouteflika, dans son message du nouvel an. Autre interrogation : quel sera le rapport entre la future commission de contrôle et la Cour des comptes ? L'article 170 de la Constitution de 1996 est clair : « Il est institué une Cour des comptes chargée du contrôle a posteriori des finances de l'Etat, des collectivités territoriales et des services publics. La Cour des comptes établit un rapport annuel qu'elle adresse au président de la République. La loi détermine les attributions, l'organisation et le fonctionnement de la Cour des comptes et la sanction de ses investigations. » Cette disposition est-elle respectée ? D'abord, cette cour, où siègent des magistrats sans statut réel, élabore des rapports annuels qui ne sont pas rendus publics. Aucune raison valable n'est donnée pour justifier cette opacité. Ensuite, les Algériens n'ont aucune idée sur les « investigations » que cette structure aurait menées. L'évidence veut que le constat soit simple : la Cour des comptes est réduite depuis des années à un état de somnolence permanent. L'Inspection générale des finances (IGF), structure administrative à prérogatives limitées, chargée, elle aussi, du contrôle des finances publiques, travaille loin des regards. Ses rapports ne sont jamais dévoilés, sauf par petites « fuites » médiatiques. Le gouvernement, qui n'arrive pas à rompre avec l'héritage jacobin, veille à ce que l'IGF évolue en circuit fermé. Ces pratiques, entretenues par l'absence d'instruments démocratiques de gestion et le règne des bureaucrates, permettent de penser qu'à la longue l'IGF n'aura aucune utilité. Aucun effet dissuasif sur le vol et le détournement des deniers publics. Aucune efficacité quant à « la bonne gouvernance » tant recherchée. Le gouvernement - les députés sont les premiers le savoir - viole à chaque exercice budgétaire la Constitution. Comment ? L'article 160 de cette Constitution prévoit ceci : « Le gouvernement rend compte à chaque chambre du Parlement de l'utilisation des crédits budgétaires qu'elle lui a votés pour chaque exercice budgétaire. L'exercice est clos en ce qui concerne le Parlement par le vote par chacune des chambres d'une loi portant règlement budgétaire pour l'exercice considéré. » Depuis l'indépendance, le gouvernement n'a présenté qu'une seule loi de règlement budgétaire. C'était au milieu des années 1980. Aujourd'hui, les autorités n'ont aucune justification à donner sur l'absence de cette loi qui permet de contrôler les dépenses autorisées par la loi de finances. Inutile de trop s'étaler pour relever que le Parlement, lui-même, a fait entrave à la Constitution, puisqu'il a accepté et cautionné le fait accompli. Les parlementaires ne font pas trop de bruit pour réclamer leur droit, à défaut d'être un devoir, de demander des comptes détaillés à l'Exécutif sur la destinée de l'argent public. Normal quand on sait que l'utilisation des dotations de l'APN, pour ne citer que cet exemple, est entourée de voile. Savez-vous quel est le salaire du président de l'APN ? Savez-vous combien coûte un député chaque année à la communauté nationale ? Nous n'avons pas de réponses.