Incontestablement, la nouvelle loi sur les partis politiques ne fera pas l'unanimité. Elle risque même de faire beaucoup de bruit, vu les dispositions ambiguës et sévères qu'elle renferme. Si le texte élaboré par le département de Daho Ould Kablia, et dont El Watan a obtenu une copie, coupe l'herbe sous le pied du parti dissous (ex-FIS) en interdisant explicitement la reconstitution d'un parti dissous, il donne par contre plus de prérogatives à l'administration, plus particulièrement au ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales qui s'érige, ainsi, en maître absolu au détriment de la justice. La nouvelle mouture relative à la loi sur les partis ordonne, et le mot est faible, l'alternance dans l'accès aux responsabilités. Une disposition relevant, normalement, du règlement intérieur d'un parti, et qui risque de contrarier plus d'un. Il est aussi interdit aux partis politiques de tisser des liens avec les organisations associatives ou de travailler avec elle en étroite collaboration. Une disposition qui irritera, inévitablement, les partis de l'Alliance qui comptent dans leur camp un nombre important d'organisations de masse. Dans l'exposé des motifs, l'auteur de la nouvelle loi parle «d'insuffisances» contenues dans les lois précédentes, notamment celles élaborées en 1989 et en 1997, et souligne les nouvelles mesures prises dans la nouvelle loi. Les dispositions envisagées dans le nouveau projet s'articulent autour de trois séries d'exigences majeures. Il s'agit en premier lieu du «respect de l'ordre constitutionnel et de l'intangibilité du caractère républicain de l'Etat avec toutes ses implications», telles que la souveraineté et l'indépendance nationales, la préservation de l'unité et de l'intégrité du territoire national, la protection, la sécurité et la défense du pays. Le second point consiste en l'engagement de ne pas fonder la création ou les activités d'un parti politique sur les bases contraires aux valeurs du 1er Novembre 1954, de l'Islam et de l'identité nationale ou sur des bases religieuses, linguistiques, raciales ou de sexe, ou encore sur des pratiques sectaires et discriminatoires. Enfin, il est fait référence dans le nouveau texte à l'adoption des principes, des objectifs et des règles démocratiques, dans l'organisation, le fonctionnement et les activités d'un parti politique et leur mise en œuvre dans le respect des libertés publiques, individuelles et collectives, du libre choix des adhérents, du pluralisme politique, de l'élection des organes dirigeants, de l'alternance dans l'accès aux responsabilités et du rejet de la violence. L'article 49, relatif au fonctionnement de l'activité du parti, risque d'irriter les leaders des formations politiques. Selon nos sources, il s'agit là d'un antécédent grave et d'ingérence flagrante dans les affaires internes d'un parti. «Le ministère n'a pas à dicter aux partis la conduite à suivre dans la gestion de leurs affaires. A travers une telle loi, l'administration tente d'avoir la mainmise sur les partis», estime notre source. L'article 49 stipule que tout membre de parti politique dispose, en vertu des principes de l'alternance et de la limitation des mandats, du droit légitime d'accéder aux responsabilités dans la conduite des affaires du parti politique lorsque les conditions définies pour l'expression du libre choix de la volonté des adhérents sont réunies. Le ministère de l'Intérieur coupe les liens des partis avec les associations L'autre article qui prête à équivoque concerne les relations du parti politique avec la société. Ce texte de loi interdit aux formations politiques d'avoir un lien organique, d'allégeance, de dépendance ou de contrôle avec un syndicat, une association ou toute autre organisation qui n'a pas un caractère politique. Pour ce qui est de la dissolution des activités d'un parti politique, que ce soit avant ou après l'agrément, cette mission relève exclusivement des prérogatives du ministère de l'Intérieur. La nouvelle lois oblige les partis politiques à présenter un bilan financier annuel auprès du ministère et à justifier de la provenance de ses ressources et leur utilisation et ce, avant la fin du mois de mars de l'année qui suit. Il est dit, clairement aussi, dans le texte de loi que la création d'un parti politique et la libre expression de ses idées, de son projet et l'exercice de ses activités est garantie par la loi mais «sous réserve que cette liberté ne soit pas détournée en vue de reconstituer un parti dissous». L'article 10 du chapitre 1 portant sur les buts, fondements et principes de la création d'un parti politique stipule que «le parti politique ne peut recourir à la violence ou à la contrainte quelles que soient la nature ou les formes de celle-ci. Comme il ne peut pas s'inspirer, pour mettre en œuvre le programme d'action, d'un parti politique dissous». Ne peuvent également adhérer à un parti les personnes impliquées dans des activités subversives ou terroristes au titre de leur appartenance ou de leur soutien à un parti dissous. Notons que les partis politiques ayant déjà déposé un dossier d'agrément sont tenus de se mettre en conformité avec les dispositions de cette nouvelle loi.