Nous allons bien, les 33 dans le refuge» : il y a un an, un bout de papier griffonné au rouge remontait du fond d'une mine du Chili, annonçant au monde ébahi la survie miraculeuse de 33 hommes livrés à eux-mêmes depuis 17 jours, à 600 m sous terre. La phrase est devenue une marque déposée au Chili, des fac-similés du message ont été distribués en cadeaux par le chef de l'Etat, Sebastian Pinera, à des dignitaires étrangers en voyage officiel. L'original quant à lui trône à présent dans un musée à Copiapo, à 40 km de la mine maudite.«Le papier était tiré du cahier d'un opérateur d'engin, sur lequel il consignait ses tâches quotidiennes», se souvient Jose Ojeda, l'auteur des quelques mots qui déclenchèrent des scènes de liesse dans les villes du Chili. «Le stylo, c'était un marqueur d'électricien, pour écrire sur des câbles quand ils sont déconnectés. Le marqueur noir ne voulait pas écrire, rien à faire. Il y avait un rouge, mais il ne restait presque plus d'encre, c'est pour ça que le message était un peu délavé.» «On a mis le message dans un sac épais utilisé pour les explosifs, poursuit M. Ojeda. Et on l'a enveloppé dans une chambre à air de pneu, avec un adhésif isolant par-dessus. C'est pour ça qu'il est sorti bien propret !» En surface, le papier extirpé de la mine ce dimanche 22 août au matin provoque cris de joie et embrassades entre secouristes. Après 16 jours d'efforts, l'espoir s'estompait autour des neufs engins perçant d'étroits conduits de 8 cm de diamètre vers la zone refuge où l'on pensait que se trouvaient les mineurs. Vivants, ou morts. Le message fut passé au ministre des Mines, Laurence Golborne, le président Pinera fut averti. Il se rendit aussitôt à la mine San Jose, et après avoir parlé aux familles, ne laissa à nul autre le soin de brandir le bout de papier devant les caméras, criant son émotion. «Ceci est sorti aujourd'hui des entrailles de la terre ! C'est le message de nos mineurs, qui nous disent qu'ils sont vivants, qu'ils sont unis.» «Rarement aussi peu de mots auront généré autant de joie, d'émotion à travers un pays», lança-t-il. En fait, se souvient M. Ojeda, «on a écrit beaucoup d'autres messages». Disant leur faim, leur espoir, appelant à l'aide. Certains se perdirent lors des frictions de la sonde dans le conduit. Le mot d'Ojeda n'est pas le seul parvenu à la surface ce jour-là, mais il est celui passé à la postérité, modèle d'information concise et précise. «Moi, je le vois non comme un message, mais comme un rapport technique», analyse M. Ojeda. «Avec mes années de travail dans les mines, je savais parfaitement que si quelque chose se passait, il fallait dire combien de personnes, à quel endroit», et en quel état. «Estamos bien en el refugio los 33» répondait à ces critères. En parallèle, s'engagea une titanesque entreprise d'ingénierie pour ravitailler, soigner et, au final, extraire les 33 hommes, près de deux mois plus tard, lors d'un sauvetage à l'émotion suivi en mondovision. Jose Ojeda, 47 ans, est toujours en arrêt de travail maladie un an après, l'un des 33 le plus affecté psychologiquement par l'expérience. Mais il s'amuse de n'avoir récupéré «son» message qu'il y a quelques jours, des mains du président Pinera, venu le 5 août à Copiapo commémorer l'anniversaire de l'accident. Quelques minutes plus tard, il en était de nouveau dépossédé, par le musée.