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L'enfant de La Casbah qui a séduit l'Amérique
Kader Benamara. Economiste, sociologue, fonctionnaire international
Publié dans El Watan le 25 - 08 - 2011

«J'ai appris à ne plus m'ennuyer du tout à partir de l'instant où j'ai appris à me souvenir.»
Albert Camus
Certaines cités ont une couleur plus qu'une odeur ou une musique. D'autres ont une âme. C'est le cas de la vieille médina d'Alger, La Casbah, si bien chantée par les poètes. Elle est l'une de ces citadelles imprenables qui ont façonné l'histoire à travers son site et ses hommes venus d'horizons divers, qui ont transcendé les différences pour vivre en parfaite harmonie, solidaires et unis.
Kader est un des enfants de La Casbah. Il y est né et a vécu son enfance, avant d'aller à la découverte de l'Amérique. Au pays de l'oncle Sam, il fera carrière en qualité de fonctionnaire international. Presque un demi-siècle après, Kader et sa fratrie, qu'on surnommait les Kennedy en raison de leur ressemblance avec la prestigieuse famille américaine, restent eux-mêmes. Kader, singulièrement, se remémore l'ancien temps.
La Casbah pour lui : «C'est d'abord l'image d'un milieu où je me sentais appartenir et où les contours de mon identité étaient bien dessinés. Le souvenir des habitants de mon immeuble est resté à jamais gravé dans ma mémoire. Malgré le demi-siècle d'intervalle, je revois clairement chacun d'entre eux. Ils constituaient en quelque sorte une famille ; ils étaient là l'un pour l'autre, et dans les moments de difficulté, ils répondaient sans hésitation aucune à l'appel. La solidarité régnait et n'était pas un vain mot. Comme j'ai vécu toute la guerre d'Algérie à La Casbah, de 1954 à 1962, il est certain que des images se rapportant à cette guerre sont restées vivaces dans mon esprit. La fameuse Bataille d'Alger, les attentats, les arrestations, les disparitions, tout le lot de la guerre est mémorisé dans le disque dur de mon cerveau.» Placée sous le signe de la fidélité, la parole écrite respecte les aînés, la tradition et les valeurs. Kader fouille dans le passé pour mieux dire les sentiments liés à l'exil. Il utilise son talent pour tisser des trames qui savent dire les vicissitudes de la vie, le passé et une projection sur l'avenir sans aucune complaisance.
Naissance à La Casbah
«J'ai vu le jour à La Casbah, un jour où les aviateurs allemands avaient décidé de bombarder la ville. La naissance s'est déroulée en conséquence dans la cave d'un immeuble de la rue Randon, aujourd'hui rue Amar Ali, cette rue qui divise La Casbah en deux parties : la Haute Casbah et la Basse Casbah. Durant les alertes, les habitants étaient sommés de trouver refuge dans les caves. Le quartier où je résidais était à l'époque très pittoresque. Il y avait entremêlés ce qu'on surnommait à l'époque des indigènes, des Espagnols, des Italiens, des Maltais, des Gitans et beaucoup de juifs. Une certaine convivialité marquait les relations entre les communautés puisque je me souviens encore des fêtes juives auxquelles les musulmans étaient conviés. De même, les juifs étaient invités à nos fêtes, mariages ou circoncisions. Sur le plan de la scolarité, je fus très chanceux et celle-ci se déroula convenablement si l'on peut dire. Peu d'enfants indigènes avaient en ces temps-là le privilège de poursuivre des études. Cette situation était due au fait que les enfants indigènes, dans leur grande majorité, venaient de familles défavorisées.»
La mémoire toujours fertile, Kader narre les principales étapes de sa vie. Il a commencé sa scolarité à l'école maternelle de la Rampe Valée, et à l'âge de six ans, il rejoignait l'école primaire de la rue de Tanger. Une fois le cycle élémentaire achevé, il entrait au cours complémentaire Sarrouy, une école devenue légendaire de par son histoire, de par le parcours de certains de ses élèves, et de par les événements qui l'ont marqué pendant la fameuse Bataille d'Alger. De là, il accédait au collège Guillemin, situé sur le boulevard du même nom, et ensuite au lycée Bugeaud, aujourd'hui lycée Emir Abdelkader, établissement jouissant d'un grand prestige.
«Après des études en sciences humaines (une licence en sociologie), j'ai changé de cap bien que les études que j'entrepris par la suite étaient aussi du domaine des sciences humaines, je veux dire par là les sciences économiques. Arrivé aux Etats-Unis d'Amérique et désireux de travailler afin de payer mes études, les seules offres qui m'étaient faites étaient dans le domaine de l'enseignement et de l'assistanat social. Je n'étais pas alors intéressé par ces activités. Une enquête rapide me permit de constater qu'il existait une forte demande pour des économistes spécialisés dans la finance internationale. Je m'inscrivis à l'université et entamais des études dans cette discipline. Il est vrai que j'avais déjà fait deux ans d'études en économie, parallèlement à mes études en sociologie et cela me facilita les choses.»
Cet Eldorado lointain
De son long passage aux Amériques, Kader garde des souvenirs vivaces bercés par des rêves d'enfance qui se sont concrétisés. «On avait rêvé de l'Amérique durant notre enfance ; cet eldorado lointain représentait un pays mythique qui enflammait notre imaginaire. Des paysages grandioses, des solitudes sans limites, des personnages extraordinaires, des légendes des pionniers, des conquérants de l'Ouest, l'aventure par excellence. On avait un engouement certain pour ce Nouveau monde. Mon premier contact fut cependant déconcertant : débarquant à Washington DC, la capitale fédérale, je ne pus réprimer un sentiment de déception. Cette ville tranquille et provinciale présentait des contrastes des plus prononcés, et ce, dans tous les domaines. Tout d'abord, quel fut mon étonnement de ne pas voir de gratte-ciel ; j'appris plus tard qu'une loi limitait la hauteur des bâtiments dans cette ville pourvue de larges avenues, de nombreux parcs et de beaucoup de musées.
La composition ethnique de cette ville était aussi révélatrice : on y trouvait une forte proportion de ce qu'on désigne aujourd'hui du terme d'Afro-Américains. Ils constituaient la grande majorité de la population et la plupart étaient pauvres. Tout le monde n'était pas aisé dans cette Amérique et tout le monde ne roulait pas en Cadillac.» De son poste d'expert international, cadre du FMI, Kader peut scruter objectivement les horizons. Son sentiment sur les dérèglements qui affectent le monde sur la crise économique, sur la mondialisation ? «En l'espace de quelques années, le monde a changé dramatiquement. On célèbre sur tous les toits la victoire du capitalisme et on est allé jusqu'à déclarer ‘‘la fin de l'Histoire''.»
On assiste, au début des années 1990, à un énorme soutien pour la mondialisation, tant dans les pays avancés que dans les pays en développement. On estime que ce phénomène est riche d'opportunités et que toute la planète en bénéficiera, les riches comme les pauvres. Ils partageront tous les bienfaits de la croissance. C'est ce qu'on appelle en anglais a win-win situation, un arrangement où tout le monde gagne. La nouvelle donne a permis en effet à certains pays de se développer sérieusement, tels que l'Inde et la Chine, et a stimulé les économies de certains pays émergents. Cependant, dans le cas des pays pauvres, elle a engendré encore plus de pauvreté et d'inégalité. Il s'est avéré que le nouvel agencement mondial est inéquitable malgré les promesses d'ajustements nécessaires faites par les pays riches.
Bien évidemment, Kader n'est pas obnubilé par la nostalgie. Il livre un constat sans appel sur l'Algérie d'aujourd'hui. «Le regard que je porte sur l'Algérie est plein de tristesse. Que d'occasions manquées ! Et ce, depuis cette année 1962 quand le pays a recouvré sa liberté. Feu René Dumont, l'agronome français, avait déploré le sort de l'Afrique et avait émis son constat dans un livre : L'Afrique noire est mal partie. Le livre déclencha une grande polémique lors de sa parution, deux ans après l'accession de la plupart des pays africains à l'indépendance. On pourrait dire de même que l'Algérie est mal partie. Nous avons aussi fait fausse route après l'euphorie de l'indépendance, et on a persisté dans notre dogmatisme et notre aveuglement. Les années se sont égrenées et on est toujours mal parti.
La faute à qui ? Faut-il accuser en permanence le colonialisme ? Ce serait trop simple de lui donner la paternité de tous les maux qui nous affligent. L'Algérie souffre de ce que les économistes appellent ‘‘le paradoxe de l'abondance''. Il est étrange qu'un pays riche en pétrole, en gaz et en matières premières et même en ressources humaines souffre de la pauvreté et des inégalités que d'autres pays moins pourvus ne connaissent pas. Le pays est en proie à une sclérose effrayante ; notre jeunesse a perdu ses repères et l'indifférence et l'égoïsme semblent avoir contaminé toutes les sphères de notre société. On assiste impuissants au dépérissement des valeurs qui nous ont guidés et inspirés pendant les années de la tourmente coloniale. C'est là un tableau bien sombre qui augure mal pour l'édification d'une société capable de faire face aux défis de ce XXIe siècle qui sera sans pitié pour les faibles.»
Kader peut, comme Mostefa Lacheraf, épiloguer longuement sur La Casbah que Lacheraf avait bien connue pour y avoir étudié à La Medersa mitoyenne avec Sidi Abderrahmane. Où sont les parures traditionnelles avec ses fleurs emblématiques, son jasmin, sa fleur d'oranger, son coriandre et son basilic sous le bleu inimitable teinté d'indigo et la blancheur immaculée de la chaux ? On évoque ici et là une hypothétique restauration, alors que les murs sont orphelins, dont se sont détachés d'autres murs squelettes d'une vieille maison effondrée.
Quel avenir pour La Casbah ?
Il ne faudrait pas dénaturer La Casbah en la transformant en un musée témoin séparé de la vie des hommes avec lesquels ces pierres ont toujours fait corps et qui ne signifient rien en dehors d'une existence partagée, commune, mêlant les uns aux autres dans une finalité qui est la propre histoire de La Casbah. Pour pérenniser ses souvenirs et sans doute soulager sa mémoire, Kader a écrit un beau livre à paraître aux Editions Casbah. Eclats de soleil et amertume. Pourquoi un tel ouvrage et comment l'idée d'écrire lui est-elle venue à l'esprit ?
«Lors d'une visite à Alger, j'ai rencontré un ancien ami scout, lui-même écrivain, et notre conversation parut intéresser au plus haut point un jeune étudiant. Comme les sujets que nous passions en revue étaient concernés par l'histoire de notre pays, l'étudiant en question exprima son désaccord quant à notre description des faits, arguant que son professeur d'histoire à l'université leur tenait des propos contraires à ce qu'il entendait de notre bouche. Il s'expliqua et on peut imaginer notre réaction. Nous étions atterrés ; que se passait-il dans notre enseignement ? Quelle histoire présentait-on aux étudiants dans ce temple du savoir ? D'où l'idée de dédier ce livre aux jeunes d'aujourd'hui qui n'ont pas connu cette capitale grouillante et bigarrée d'antan, celle d'avant l'indépendance. J'ai ainsi tenté de faire revivre pour leur bénéfice ce monde disparu à jamais. En fait, le livre est aussi un hymne à La Casbah.»
Ton distant et élégant qui nous fait entrer dans des univers divers qui sont à la fois proches et lointains où la gravité accable et l'humour libère. Il parle de La Casbah d'un ton grave. Une Casbah qu'on ne doit pas considérer comme un «monde aboli» pour paraphraser Lacheraf. Pas plus qu'il ne conviendrait de revivre cette évocation avec les seuls yeux de la nostalgie, ni de s'attarder davantage sur les aspects dégradés d'une cité dont le destin de ville combattante, de ville martyre, mérite, à plus d'un titre, admiration et respect. Laquelle d'entre les capitales de la Méditerranée, ses sœurs tant adulées et prestigieuses dans les siècles révolus a triomphé mieux qu'Alger de ses ennemis, a marqué de sa présence, le plus loin possible, les bords de la mer intérieure, a souffert enfin et lutté et bravé les pires dangers comme elle n'a cessé de le faire.
En posant un nouveau regard sur La Casbah, nous voudrions la sauver d'une certaine marginalité historique héritée de la vision colonialiste. La sauver aussi du folklore dans lequel est tombée toute notre culture nationale devenue souvent une sous-culture pour touristes. Le livre de Benamara évoque cette pénible situation. «Le hasard a fait que je rétablisse des contacts avec de vieux amis d'Alger que j'avais perdus de vue depuis 45 ans ; l'un d'eux, Lounis Aït Aoudia, président de l'association des Amis de la Rampe Louni Arezki, est au cœur de ces retrouvailles faites autour d'un livre qui rend hommage à mon quartier d'enfance et dont l'objectif est la réappropriation de la mémoire collective au bénéfice de la jeune génération.»


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