En choisissant de revisiter Diwan el garagouz, une œuvre du répertoire du théâtre algérien, plutôt qu'un épisode de l'histoire nationale ou islamique, au titre de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique», le théâtre régional d'Oum El Bouaghi a superbement bien fait. Les habitués de la maison de la culture de Témouchent qui ont eu à suivre sa troisième représentation lui ont su gré pour leur avoir offert une désopilante loufoquerie. Par ailleurs, c'est la première fois, à l'est du pays que l'on connaît aujourd'hui vaguement le nom d'Ould Abderrahmane Kaki, mais pas son théâtre, dont une de ses pièces est montée. Kaki fut l'un des plus importants auteurs metteurs en scène du monde arabe pour avoir jeté les fondements d'un théâtre puisant son esthétique et ses techniques du patrimoine oral (halqa, meddah, mythologie du terroir et du monde arabo-musulman). Diwan el garagouz, qui date de 1964, marquait le retour de Kaki au merveilleux qui irrigue sa veine créatrice. Dans l'euphorie de l'indépendance, il venait de monter une trilogie à caractère propagandiste (132 ans, Le peuple de la nuit, Afrique Avant 1). Lotfi Bensebaâ, directeur du TR Oum el Bouaghi, a estimé que le meilleur hommage à rendre à ce novateur consiste à ne pas le momifier en faisant du copier-coller de ses écritures scéniques comme on l'a fait jusqu'à présent à l'ouest du pays. De la sorte, la réalisation devait se débarrasser des oripeaux qui font sa marque de fabrique (chœur, coryphée, démultiplication des personnages, etc). Ce fut la seule limite, si c'en est une, imposée à la mise en scène confiée à Dine Hanani Jahid. Mais comme Diwan el garagouz, une adaptation de L'oiseau vert de Carlo Gozzi, est du répertoire de la commedia dell'arte, Jahid ne pouvait pas ne pas reprendre à son compte la bonne dose biomécanique que Kaki y avait mise. Cette intrigue féerique marquée du sceau de la farce ne pouvait se passer d'un rythme trépidant comme de la parodie. Jouant des comiques de situation, de mots et de gestes dans l'abracadabrante aventure qu'il déroule, Jahid n'oublie pas de la ponctuer savoureusement par quelques moments de gravité et de poésie. Enfin, ce qui est remarquable, c'est que le tout a été servi par une distribution de 18 comédiens dont trois seulement ont une expérience des tréteaux.