Alger vient d'autoriser à une partie de la famille du dictateur Moummar El Gueddafi à se réfugier sur le sol algérien «pour des raisons strictement humanitaires», précise le porte-parole du MAE. Aïcha, la fille d'El Gueddafi, était sur le point d'accoucher, argue-t-on, et c'est à Djanet qu'elle enfantera d'une fille prénommée Safia (comme la seconde épouse d'El Gueddafi). «La famille de Mouammar El Gueddafi, à l'exception de sa fille qui était encore à l'hôpital ce mardi après-midi, est présente dans la résidence présidentielle sur la colline qui domine la ville», a témoigné un commerçant de Djanet au site maghrebemergent.com. Et d'ajouter : «Ils sont arrivés hier de Tinkarin,e le poste-frontière le plus au sud de Djanet. Un guide qui a vu le convoi à l'arrêt m'a parlé d'une trentaine de personnes avec de nombreux enfants. Ce qui se dit ici, c'est qu'ils vont vite repartir vers un autre pays. Si ce n'était pas l'accouchement de Aïcha, qui est devenu une urgence hier soir, ils ne seraient pas venus à Djanet. » Si, sur le plan humanitaire, cette assistance médicale ne pose manifestement pas problème, sur le plan politique, en revanche, l'accueil de Hannibal El Gueddafi et consorts ne fait que compliquer la position de l'Algérie vis-à-vis du conflit libyen. Alors que Amar Belani, porte-parole des AE, martèle que l'Algérie observe une «stricte neutralité» dans ce dossier «en refusant d'interférer de quelque manière que ce soit dans les affaires intérieures de la Libye», force est de constater que l'accueil de ces «hôtes encombrants» met sérieusement à mal cette neutralité de principe. D'ailleurs, le CNT ne ratera pas l'occasion pour dénoncer cette attitude d'Alger qu'il interprète comme une marque on ne peut plus claire de soutien au colonel El Gueddafi et sa smala. «Nous avons un problème avec les deux fils, Hannibal et Mohamed», a déclaré à ce propos Guma Al Gamaty, porte-parole du CNT à Londres, à la chaîne de télévision britannique Sky News. «La justice libyenne les recherche pour leur mauvaise gestion, le détournement et probablement le vol et le transfert d'importantes sommes d'argent public. Il peut s'agir de milliards», a-t-il ajouté en qualifiant d'«acte d'agression» ce positionnement de l'Algérie. Sans pencher du côté du CNT, il y a lieu de relever que sous l'argument humanitaire avancé se profile une maladresse de plus de la diplomatie algérienne, et dont Alger aurait pu faire l'économie, d'autant plus que cet argument ne résiste pas à l'analyse. Que l'on songe aux centaines de milliers de Libyens qui peinent à se soigner convenablement des suites tragiques de ce conflit. Qu'on songe aux milliers de Aïcha qui accouchent dans des conditions atroces dans les provinces libyennes, et dans les villes aux hôpitaux éventrés, elles qui n'ont pas la «chance» de porter le patronyme d'«El Gueddafi». En agissant comme il l'a fait, le régime algérien a, de facto, réservé un traitement de faveur à une parturiente VIP qui continue de se prévaloir de son statut de «fille de». Aïcha El Gueddafi aurait dû accoucher dans un hôpital de Tripoli comme toutes les femmes libyennes, dans les conditions qui sont les leurs. Et si Alger devait s'en émouvoir, elle devrait avoir une pensée tout aussi émue pour les milliers de Subsahariens coincés dans l'enfer libyen, et avec lesquels nos frontières n'ont pas toujours été aussi clémentes. Il est vrai que les autorités algériennes ont grandement contribué à venir en aide aux réfugiés libyens qui ont afflué massivement vers nos territoires. Mais cela n'efface pas des esprits l'idée bien tenace que le régime algérien a volé au secours d'El Gueddafi, et ce n'est pas en recevant les rejetons du dictateur de Tripoli que cela risque de se démentir.