Qui d'autre, hormis ce comédien de tous les temps, Tayeb Bouamar en l'occurrence, peut bien narrer, dans l'humour, sa société avec de croustillantes anecdotes et des histoires à faire marrer un sourd, tant sa gestuelle et sa mimique suffisent parfois à elles seules à exprimer le fond de la pensée dans ses comédies ? C'est l'impression, du moins, qu'ont de lui les amateurs de ses sketches à Tizi Ouzou. Avec des fables à la Djeha, notre comédien éprouve tout son plaisir sur scène à communiquer, dans la communion, avec son bouillant public, des deux sexes et de tous les âges, qu'il sait égayer comme pas un, le mener, le «manier» aussi, pour en faire son complice. Avec son nouveau spectacle, intitulé Bled Mickey, notre comédien ne manquera certainement pas, en présentant prochainement ce numéro, de faire éclater derire de nouveau son public, comme il a l'art de le réussir même dans la rue. Homme affable à souhait, le «Alloula ou le Medjoubi kabyle», deux de ses idoles dans cet art de la dramaturgie, réussit toujours à émerveiller ses spectateurs où qu'il joue, aux quatre coins d'Algérie, comme à l'étranger d'ailleurs, selon lui, un public que l'on remarque constitué de diverses catégories d'âges et de pensées. «Sentir sur scène l'amour de son public pour soi, c'est le grand bonheur pour tout artiste, et susciter ce bonheur au sein de ce même public, c'est encore le comble des bonheurs pour le même artiste», nous disait une fois un chanteur, mais non moins amateur des planches. C'est ce que semblait avoir «obtenu» notre dramaturge lors de la présentation de son one-man-show, Ras El Mahna (Tête maudite, ou de malédiction, si on peut l'interpréter ainsi), à la salle du cinéma Le Hoggar de Draâ Ben Khedda, ainsi qu'au Complexe culturel et sportif Ahmed Yahia Bacha de la même ville, à la fin de la première décade du mois de Ramadhan. Tayeb Bouamar a su d'ailleurs rendre la pareille à ce public qui a eu, pendant ces moments de bonheur, les yeux rivés sur son homme, s'accrochant et suivant le moindre de ses gestes et mimes sur scène. Ses spectacles ont été donnés dans le cadre des animations culturelles programmées par la direction de wilaya de la culture, à l'occasion du mois de jeûne. Ayant passé toute son enfance dans l'art et la discipline des SMA (Scouts musulmans algériens), Tayeb Bouamar ne peut évoluer en dehors de l'art qu'il écrit, pense et pratique passionnément. Quiconque aborde l'enfant de Sidi Naâmane, une commune des cours d'eau du Sebaou, relevant de la daïra de Draâ Ben Khedda, dans la wilaya de Tizi Ouzou, saura que Bouamar, kabyle de naissance et de langue, mais n'est pas moins, par les principales langues et parlers algériens qu'il parle agréablement, oranais, constantinois, annabi, bordji, chaoui, sahraoui…, en un mot, un Algérien qui se sent tous ceux-là à la fois, où qu'il soit, à l'étranger ou dans les quatre points cardinaux de sa patrie. 23 pièces, 50 contes... Pétri dans le théâtre, cet art dramatique que le philosophe allemand, Hegel, classifie dans la 8e position avec la télévision, l'art dramatique et la photographie, Tayeb Bouamar, qui recourt aussi à sa plume de journaliste à ses moments libres, est à la fois Alloula, Medjoubi, Mustapha Kateb, Kateb Yacine, Fetmouche, etc. Il nous apprend qu'il a fait ses débuts aux SMA en 1971/72 avec des sketches et des initiations, avant de faire partie du collectif des lycéens à Bordj Menaïel, organisateurs, alors, de spectacles de Kateb Yacine, notamment Guerre des 1000 ans. En 1977, Tayeb Bouamar créera la troupe El Gouala (Les diseurs) à la cité U de jeunes filles de Ben Aknoun (Alger), où il a écrit et monté deux spectacles intitulés Ma f'hemna walu et Moughamaret Raâi Lgraâ, en collaboration avec Mustapha Mellal. Dans la même année, notre futur dramaturge entamera un cycle de formation aux arts dramatiques avec Mustapha Kateb, alors chargé des activités culturelles au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS). Ensuite, il procéda à la «re-création» de la troupe El Gouala et monte des pièces comme Gaflat El Jouâ (La caravane de la faim), Sendouk Laâjeb, Sarab El Gherb et Aars Zendik. En 1988, Tayeb Bouamar montera le monodrame Ras El Mahna, qui lui valut, en janvier 2002, le premier prix au festival du monologue à Constantine. Depuis, notre artiste se fond dans «le conte et les arts du récit», en montant de nombreux spectacles, tels que Kan ya makan, Tiqdimin, Nouba n'Tmuchuha et d'autres spectacles pour enfants, comme Laâba u-ferdja. Le parcours et le palmarès de notre artiste sont on ne peut plus éloquents. A 54 ans, Tayeb Bouamar compte 23 pièces de théâtre et une cinquantaine de contes et récits. Il a été producteur, animateur et présentateur de l'émission «Delti Deltek» à l'ENTV de 1987 à 1988. Il eut encore à diriger la direction du centre culturel Ahmed Yahia Bacha de Draâ Ben Khedda, celle du Théâtre régional Kateb Yacine de Tizi Ouzou, de 1994 à 96, outre l'animation de nombreux ateliers et stages, y compris à l'étranger, de théâtre et de l'initiation au conte, comme il a écrit des textes pour le Théâtre régional de Béjaïa et pour le TNA (Alger). Tayeb Bouamar a été directeur artistique du circuit euro-méditerranéen Hikaya. Il est fondateur de l'association Le Grain magique qu'il préside actuellement. Notre comédien, journaliste de profession depuis 1984 à ce jour, a joué aussi dans au moins trois films et a été professeur de lettres françaises à Baraki (Alger), Bordj Menaïel (Boumerdès) et à Boukhalfa (Tizi Ouzou).