Les légendes non datées et dont on ignore dans quel espace elles ont vu le jour, sont celles que tout le monde a entendu raconter sous d'autres formes. En effet, l'un des inconvénients majeures des histoires fictives ou vécues qui font partie du patrimoine oral si riche en Algérie est d'apparaître sous différentes variantes d'une région à l'autre, d'un pays du Maghreb à l'autre. Djoha est de partout et de nulle part, même si sa place en Afrique du Nord est grande dans la mémoire populaire surtout. En fait, et cela n'est pas un secret pour personne, il a toujours existé des Djeha partout et dans les temps, il s'agit d'hommes malicieux, mythomanes, vicieux, fourbes, faiseurs de tours d'espieglerie souvent condamnables. Les coups de Djeha entrent dans la théâtralité. L'auteur a raison de parler de théâtre en raison du personnage qui, sa vie durant, passe son temps à imaginer des scènes de tromperie, d'hyphocrisie au terme desquelles ils sont toujours triomphant. Ce que Djeha joue pendant toute son existence qui est tirée d'un vécu collectif. Là, il exploite la naïveté des gens qui croient en tout ce qu'on leur dit au point d'acheter même des crottes d'animal parce que le marchand a prétendu, dans sa vente à la criée, qu'elles ont des vertus curatives. Ce que fait Djeha en vendant des crottes de chèvre sur un ton de conviction qu'elles développent l'intelligence. «Qui veut acheter un produit capable de vous rendre intelligent de naissance.» Kateb Yacine qui avait acquis un répertoire assez copieux de productions orales, a eu le premier l'idée de mettre bout à bout des histoires de Djeha pour compose des comédies. «La poudre intelligence» en est un exemple. A propos du livre de Bendjedou Près d'une trentaine d'histoire de Djeha y sont racontées, mais dans un style un peu difficile à supporter, peut être qu'il s'adresse à un public d'enfants ou qu'il cherche à faire durer le suspens. Toujours est il que les textes comportent des détails inutiles dont le lecteur adulte pourrait bien se passer. La rigueur est une des qualités de style. De plus, le meddah dans son acceptation ancienne, équivalente de celle du griot ou de l'aède, est féru de littérature et de sagesse populaires, doit avoir un rôle bien plus important que d'être un présentation de chaque histoire de Djeha. Le meddah dans la tradition est quelqu'un d'engagé politiquement, culturellement. Il fut capable d'inventer, d'improviser, de guider quiconque ne sait quelle solution adopter dans un grave alternative. Jamais, les anciens n'auraient l'idée de mettre Djeha à côté d'un meddah. L'un est un espiegle invétéré et l'autre un sage invulnérable et digne véhicule du patrimoine moral et culturel d'une société traditionnelle. Il faut relever aussi une grave confusion en faisant porter le mot, «Contes» au livre de Djeha. Ce dernier n'avait rien à voir avec les contes en tant que faiseurs d'espiegleries condamnables. Qui est Djeha, en réalité ? L'appellation viendrait d'un pays de vieille civilisation, la Perse qui a vu naître et mourir assassine Ibn El-Mouqafaâ, auteur de la grande œuvre Kalila oua Dimna constituée d'un nombre impressionnant de fables que l'auteur a lui même composées ou qu'il a empruntées à d'autres fabulistes plus anciens. Donc, si Djeha en tant que nom est originaire de la Perse, il y a des Djeha dans tous les pays et dans tous les temps. De nos jours mêmes, nous les côtoyons souvent sans les connaître et nous faisons très attention pour éviter d'être leurs victimes. Boumediene Abed Bendjedou Bousnina, le Livre de Djeha l'espiègle, contes, Ed Alfa, 2009, 317 pages.