Masse de films, de niveau parfois exceptionnel, montrés au Festival des films du monde de Montréal qui s'est achevé avec un hommage à Catherine Deneuve. L'état de la presse libre en Turquie dans les années 1990 et la dure répression qui s'est abattue sur les journalistes, est le thème du film remarquable, Press, de Sedat Yilmaz, sélectionné au FFM et bien accueilli par le public canadien. Diyarbakir, cité turque à forte dominance kurde, est le siège du quotidien Ozgur Gundem (l'Agenda libre). Le film reconstitue la chronique de ce que le journal a vécu : interdictions, menaces, arrestations, tortures, assassinat de son équipe rédactionnelle, qui poursuit pourtant le combat dans des conditions hallucinantes. Grand hommage au courage et à la détermination des journalistes de ce petit quotidien et aux habitants de Dyarbakir pour leur soutien militant : dès que le journal est frappé d'une interdiction de sortie, il est vendu sous le manteau, distribué par des gosses et livré dans les boutiques.Ce film renoue avec les œuvres de Yilmaz Guney, salué à l'époque pour son courage et sa liberté, qu'il avait payés par des années de bagne. BOLLYWOOD UTILE Le FFM a programmé tout un cycle de films d'Asie au cinéma sous les étoiles. Des œuvres produites à Bollywood, choisies pour leurs thèmes assez audacieux : conflits de castes, de croyances, de statuts sociaux et familiaux, et pas seulement pour les chants et danses habituels : Devdas de Sanjay Leela Bhansali, Veer-Zaara de Yash Chopra, Kabhi Kushi de Kahan Johar, des mises en scène grandioses avec les plus grandes stars de l'Inde : Aishwarya Rai, Madhuri Dixit, Amitabh Bachchan, Shah Rukh Khan, Amin Khan... Du Japon aussi, cette œuvre singulière (grand prix spécial du jury) adaptée du roman autobiographique de Yashishi Inoué : Chronique de ma mère, réalisé par Masato Harada. Le travail de mise en scène est tellement brillant qu'on se croirait en face d'une œuvre de Ozu ou de Naruse, au summum du cinéma d'auteur japonais. Inoué parle dans son récit de sa mère atteinte d'amnésie, sujette à une constante fragilité mentale. En même temps, le récit révèle que l'écrivain souffre d'une blessure morale très profon- de : quand il était jeune, sa mère l'avait abandonné et il a été élevé par la maîtresse de son père, ailleurs, loin de la maison natale. Chronique de ma mère est un film constamment beau, les décors intérieurs et extérieurs sont époustouflants. Sans compter la performance sans égale des interprètes, tous très brillants. Ce n'est pas une simple tragédie. Il y a de grands moments de rire. GéNIAL EMMANUEL MOURET En compétition aussi, meilleur scénario selon le jury, alors qu'il méritait largement le grand prix, c' est le beau film du cinéaste français Emmanuel Mouret : L' art d'aimer, joué par une pléiade d'acteurs saisissants d'humour, de malice et parfois de petites vacheries : François Cluzet, Julie Depardieu, Judith Godrèche, Elodie Navarre... C'est une histoire drôle, sentimentale et sensuelle, qui traite justement des sentiments amoureux de manière fort originale. Cette œuvre brillante fait tout de suite penser aux films d'Eric Rohmer et à la meilleure tradition du cinéma d'auteur. Deux films canadiens admirables dans le programme Rétrospective que l'on pouvait voir dans une petite salle archicomble, l'espace culturel La Palme de la place des Arts, car l'entrée y était libre : Incendies de Denis Villeneuve avec Lubna Azabal et Les amours imaginaires de Xavier Dolan, avec une actrice maghrébine étonnante, Monia Chokri. Ces deux films, véritable condensé de cinéma d'auteur, ont déjà fait le tour du monde, glané prix et considérations, illustrant le meilleur cinéma canadien actuel.