De l'avis de nombreux experts médicaux y compris parmi l'équipe qui se trouve au chevet du Premier ministre israélien victime d'une hémorragie cérébrale et admis en soins intensifs depuis mercredi soir, les chances d'Ariel Sharon de reprendre ses activités gouvernementales sont nulles. Même s'il s'en sortira de cette nouvelle attaque après celle du 18 décembre 2005, ses capacités physiques et par conséquent ses aptitudes à continuer à gouverner jusqu'au 28 mars prochain, date des élections générales en Israël, en seraient irrémédiablement affectées. Politiquement Ariel Sharon appartient déjà au passé. La classe politique israélienne qui se prépare activement à ces prochaines échéances électorales est déjà de facto installée dans l'après-Sharon dès l'annonce de sa maladie ; une maladie invalidante qui devrait fatalement contraindre le Premier ministre israélien à une retraite politique forcée. A 78 ans, Ariel Sharon devrait donc passer la main. Se sentant le vent en poupe, il avait donné rendez-vous à ses sympathisants le 28 mars prochain à la tête de son nouveau parti La « Kadima », branche dissidente du Likoud qu'il a quitté avec un carré de ses fidèles parmi les fidèles dont entre autres les ministre des Affaires étrangères, de la Défense et de la Justice. Son tout nouveau parti qui devrait affronter le premier test électoral de son existence est crédité de bons résultats par les sondages. Il arrive même en tête par rapport aux partis traditionnels, notamment les deux partis qui se disputent le pouvoir, le parti travailliste et le Likoud. Son retrait plus que probable de la scène politique pose le problème de la double succession, au niveau de sa propre formation politique, où son absence se fera très certainement lourdement ressentir, et à la tête de l'exécutif. Cette nouvelle donne que les adversaires politiques de Sharon n'ont pas prévue, tant le Premier ministre n'avait montré aucun signe de fatigue ou de lassitude de l'exercice du pouvoir, ne manquera pas sans nul doute d'avoir de profondes répercussions sur la vie politique israélienne. Les observateurs politiques s'interrogent déjà en effet sur l'avenir du nouveau parti d'Ariel Sharon désormais orphelin de son père fondateur. Incertitudes Les personnalités qui ont déserté le Likoud pour suivre Ariel Sharon dans cette nouvelle aventure politique qui semble séduire les Israéliens si l'on en croit les sondages n'ont pas « l'aura » de leur chef pour préserver le capital de sympathie que s'est créé cette nouvelle formation auprès de l'opinion israélienne. La maladie d'Ariel Sharon et sa mise à l'écart de la vie politique ouvrent le jeu politique qui semblait fermé et joué d'avance. Les autres leaders politiques aussi bien du Likoud que de la nouvelle formation d'Ariel Sharon « La Kadima » reprennent confiance et croient plus que jamais que le challenge à la tête de l'exécutif est désormais possible, que la partie est jouable. Dans l'entourage immédiat d'Ariel Sharon, c'est le vice-Premier ministre M. Olmert qui est le plus pressenti pour succéder à Ariel Sharon à la tête de la présidence du gouvernement israélien. Le vice-Premier ministre, âgé de 60 ans, assure l'intérim à la tête du gouvernement depuis l'hospitalisation de M. Sharon mercredi soir. M. Olmert a été l'un des principaux architectes du plan de retrait de Ghaza, réalisé en septembre par le gouvernement Sharon. Maire de Jérusalem durant une décennie (1993-2003), il fut un chaud partisan de la judaïsation de Jérusalem-Est occupée et annexée. Le second successeur potentiel à Ariel Sharon n'est autre que l'ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, un « faucon » du Likoud qui piaffe de revenir aux affaires. A 56 ans, on retiendra surtout de cet ancien Premier ministre (1996-1999) son opposition au retrait d'Israël de la bande de Ghaza qui l'avait poussé à quitter le gouvernement de Sharon où il occupait le poste de ministre des Finances ainsi que son attachement viscéral au dogme d'Eretz Israel, la terre d'Israël dans ses frontières bibliques intégrant la Cisjordanie. Mis en minorité par Sharon au sein du Likoud Netanyahu ne désespère pas de revenir aux commandes de l'exécutif. Le troisième prétendant au poste de Premier ministre, l'ancien chef du parti travailliste Shimon Peres qui a passé l'arme à droite en se jetant dans les bras de Sharon dont il a accepté un poste au gouvernement avant de le rejoindre avec armes et bagages dans son nouveau parti. Shimon Peres qui a occupé pratiquement tous les postes a associé son nom aux accords de paix israélo-palestiniens de 1993. Du faucon à la colombe Ce Janus de la politique qui passe allégrement du “Faucon” à la “Colombe” et vice versa au gré de ses alliances politiques qui le firent passer d'un adversaire politique résolu à Sharon avant de devenir son allié, Shimon Peres pour ceux qui l'ont oublié avait cautionné les premières colonies juives de Cisjordanie alors qu'il était ministre de la Défense. C'est dire que la succession à Ariel Sharon, quel que puisse être le nouvel homme fort à la tête de l'exécutif israélien, si elle représente un enjeu de politique interne à Israël, ne devrait pas en revanche remettre en cause fondamentalement l'héritage politique laissé par Sharon et les questions géostratégiques propres à l'Etat d'Israël sur lesquelles se retrouve l'ensemble de la classe politique israélienne toutes sensibilités confondues.