Il est vrai qu'ils ne regrettent pas le personnage, mais ils savent que son successeur ne fera pas mieux, ou fera pire. Pour avoir eu affaire à tout ce qu'Israël compte comme leaders politiques toutes tendances confondues, ils ont pu pousser le jeu politique à son extrême limite, laissant se dévoiler l'absence de divergences en ce qui concerne la politique à suivre à l'égard des Palestiniens, et des Arabes d'une manière générale. Depuis la création d'Israël en 1948, ces chefs ont élevé au rang de dogme ce que eux-mêmes appellent les questions consensuelles, dont Ariel Sharon, aujourd'hui entre la vie et la mort, incarnait la partie la plus violente. Et la société israélienne le lui a bien rendu en votant pour lui, ou encore son programme qui reposait sur un seul mot : la sécurité, alors même qu'un tel concept en temps de guerre ne peut découler que d'un processus de paix. Selon les statistiques israéliennes, les années de son double mandat presque achevé sont moins mauvaises, mais il y a toujours des morts israéliens, pour la simple et bonne raison que les Palestiniens ne renoncent pas à leurs droits malgré leurs morts beaucoup plus nombreux. Ce qui n'a pas empêché, hier, le chef de la diplomatie britannique de souligner que « l'incertitude est grande dans l'immédiat » en Israël et au Proche-Orient, en raison de l'état de santé du Premier ministre israélien. Mais « même s'il avait été en bonne santé », la situation n'aurait pas beaucoup évolué « d'ici la fin mars avec la formation d'un nouveau gouvernement israélien », a-t-il estimé. Les élections législatives sont prévues le 28 mars en Israël et jusqu'à l'hospitalisation d'Ariel Sharon, les jeux semblaient déjà faits et son parti Kadima (centre-droit) paraissait sûr de l'emporter. M. Sharon a fondé ce parti en novembre 2005, après avoir annoncé son départ du Likoud. Les médecins tentent de sauver Ariel Sharon, qui a subi hier un nouveau scanner du cerveau, il est plongé dans un coma profond à l'hôpital Hadassah Ein Kérem de Jérusalem. « Ce scanner était prévu mais ne signifie pas que quelque chose a changé », a indiqué un porte-parole de l'établissement Ron Krumer. Les implications d'un éventuel décès de Sharon, qui avait commencé à redessiner les frontières entre Israël et les Palestiniens en se retirant de la bande de Ghaza l'été dernier, sont encore difficiles à évaluer. D'autant que la dégradation de son état de santé coïncide avec le chaos sécuritaire dans la bande de Ghaza et en Cisjordanie et l'affaiblissement du dirigeant palestinien Mahmoud Abbas à l'approche des législatives palestiniennes du 25 janvier. La situation inquiète de nombreux gouvernements à travers la planète, en particulier l'administration américaine. La secrétaire d'Etat, Condoleezza Rice, a ainsi annulé des déplacements en Indonésie et en Australie, préférant suivre, à partir de Washington, l'évolution de l'état de santé Sharon. Le célèbre écrivain israélien Amos Oz écrit dans une opinion libre publiée par le Gardian britannique : « Toutes les colonies en Cisjordanie et sur le plateau du Golan sont toujours là, comme des monuments érigés en honneur au Sharon d'antan. » Ce militant de toujours du mouvement anticolonisation, La Paix Maintenant, reproche aussi à Sharon de « ne pas s'être vraiment assis pour tenter de discuter avec les Palestiniens, comme des voisins le font ». Il s'interroge enfin sur les raisons pour lesquelles « Sharon, à l'automne de sa vie, a changé si radicalement, et quelles autres démarches il envisageait pour progresser vers la paix et la réconciliation ». Cet écrivain ose des questions qui paraissent bien mal à propos au regard du concert de commentaires comme ce vide, ou de paix compromise. Sharon n'a jamais promis de paix, il a toujours agi à sa guise comme le prouve l'état bien déplorable de la Feuille de route, ce fameux plan de paix international qui prévoyait la création d'un Etat palestinien pour 2005, soit l'année écoulée, et auquel il a substitué, avec une incroyable complaisance au niveau international, le retrait de la bande de Ghaza. Les Israéliens ont d'ailleurs reconnu que chacune de leurs initiatives était un subterfuge pour tuer dans l'œuf tout processus sérieux. Sharon n'a jamais voulu la paix sauf la sienne. Il s'inscrivait lui aussi dans une espèce de politique globale qui écarte tous ceux qui ont un projet sérieux en ce sens, ou dans le pire des cas, frappe d'infamie et liquide, physiquement s'entend, ceux qui envisagent de conclure la paix avec les Palestiniens. L'assassinat de l'ancien Premier ministre Yitzhak Rabin après sa poignée de mains avec le leader palestinien défunt Yasser Arafat, trouve là son explication. Rabin, qui avait ordonné à son armée en 1988 de casser les bras des Palestiniens engagés dans la première intifadha, a été contraint à ce geste pour, disait-on déjà à l'époque, éviter la disparition d'Israël en tant qu'Etat juif.