L'Unique n'a pas tout à fait le monopole de la campagne électorale pour la présidentielle. Beur TV est venue, il y a quelques jours, piétiner ses plates-bandes en invitant les leaders politiques à s'exprimer sur cette consultation. Si le forum animé par Soraya Bouamama a tendance à devenir un passage obligé pour les candidats potentiels qui comptent, notamment, se lancer dans la course, les tête-à-tête organisés par Nacer Kettane, directeur de la chaîne française à destination de la communauté maghrébine, ne passent pas inaperçus auprès des téléspectateurs algériens, surtout lorsqu'ils donnent la parole aux représentants de l'opposition. Au demeurant, le fait d'ouvrir un espace d'expression plurielle n'est pas nouveau pour Beur FM qui a pris, pour ainsi dire, l'habitude de ce genre d'initiatives à la veille des grands événements politiques que s'apprête à vivre l'Algérie. Si, dans l'ensemble, la télé communautaire de Kettane demeure très attentive et donc très attachée à ce qui se passe dans le pays, ce n'est pas vraiment sa vocation, mais il faut, cependant, lui reconnaître ce rapprochement identitaire qui se manifeste, d'ailleurs, de façon très visible à travers ses programmes qu'ils soient culturels ou politiques. Le trait caractéristique reste le neutralisme, un peu trop poussé, adopté par la chaîne, tellement poussé qu'il finit parfois par se confondre avec les... thèses du pouvoir en place. La tendance à la prudence excessive qui habite Beur FM quand il s'agit de traiter les questions de fond de la vie politique nationale, sa volonté de prendre ses distances pour éviter de s'impliquer dans le débat contradictoire et, donc, d'avoir des problèmes avec les tenants du système, rendent en tout état de cause un très mauvais service aux émissions politiques qui, en perdant tout esprit critique, se banalisent fortement. Cette dernière semaine, Kettane a reçu respectivement le candidat du FNA à l'élection présidentielle, Moussa Touati, et le secrétaire général du FFS, Karim Tabbou, venu, lui, expliquer le pourquoi du boycott de son parti. Autant dire que l'animateur n'a, ni pour l'un ni pour l'autre, réussi à donner consistance à ses interviews en voulant trop jouer à l'équilibriste pour ne pas heurter les consciences mal intentionnées. Face à ces deux personnalités représentant des courants politiques diamétralement opposés, Kettane a paru complètement émoussé, hors sujet, donnant l'impression de ne remplir qu'une simple formalité avec des questions-bateau trempées dans le formalisme de la langue de bois. Dommage, car il avait deux sujets extrêmement intéressants qui méritaient un meilleur décodage pour l'éclairage de l'opinion publique dans le contexte du prochain scrutin. Moussa Touati, d'abord, est apparu sous son habit le plus vulnérable, la faiblesse de son niveau politique a dû laisser les téléspectateurs complètement ahuris. En effet, pour le leader d'un parti qui a désormais pignon sur rue et qui a l'ambition de prendre en charge les responsabilités de l'Etat, faire preuve d'autant d'incohérence et surtout commettre autant de bévues politiques lors de cette interview relève de la fiction. Touati a été, entre autres, sollicité pour livrer son point de vue sur le rapprochement des trois pays voisins : le Maroc, l'Algérie et la Tunisie et son premier élément de réponse a été que « le Maghreb est dirigé par des forces étrangères... » Ce qui suppose qu'il faille, selon lui, le libérer d'abord de ces forces (il ne nous dit pas lesquelles), avant de penser à son développement. C'est l'exemple type des nombreuses inepties lâchées au cours de cette émission, qui a eu le mérite de mettre à nu, sans le vouloir, un candidat qui aspire à se porter à la tête de l'Etat, alors que sa vision politique est au ras des pâquerettes. C'est triste de voir l'Algérie se suffire d'une élite à la compétence fortement discutable après des années de nivellement par le bas des meilleures valeurs marginalisées du jeu politique pour raison d'incompatibilité avec les règles du système. Karim Tabbou, ensuite, sur un ton provocateur, a eu des choses à dire sur l'état des lieux de cette campagne électorale, qui n'en est pas une à ses yeux. Il n'y avait rien de nouveau, certes, dans la position du FFS concernant la critique du système, qui demeure toujours aussi virulente ; mais pour une fois que l'opposition avait la possibilité de s'exprimer, Kettane aurait pu faire preuve de beaucoup plus de perspicacité dans son orientation du débat pour libérer une communication plus constructive et, par conséquent, moins agressive. Tabbou, on le sait, n'a pas pour habitude de mâcher ses mots, lorsqu'il s'attaque au système rentier. Il fallait le laisser aller au bout de ses réflexions mais sur des idées précises. Soraya Bouamama, en ce qui la concerne, ne se soucie pas de cet aspect. Chez elle, les invités viennent pour amplifier la dose électorale. Le nouveau venu sur la scène politique, le Parti de la liberté et de la justice (PLJ), créé tout récemment par Mohamedi Saïd, a eu le privilège d'annoncer sa candidature à la veille du show médiatique organisé à la Coupole pour Bouteflika. Moment empreint de solennité pour le transfuge de WAFA, le parti de Taleb El Ibrahimi qui n'a jamais vu le jour. Moment choisi aussi par l'Unique pour préparer le grand rendez-vous à la gloire du Président. Aboudjerra Soltani et Louisa Hanoune ont suivi le carrousel sans se positionner vraiment. L'un a presque renié la mouvance islamiste à laquelle il appartient, ce qui lui a valu des animosités dans son propre camp, et l'autre a continué à vouloir nous faire croire qu'en jouant à la « révoltée », elle fera mieux passer la pilule de l'intégration au système. Ce sont de toute façon les travailleurs qui apprécieront...