-La face cachée du drame La fermeture du complexe mercuriel et toutes les opérations de dépollution ne pourront jamais venir à bout de tant de préjudice causé à l'environnement et aux habitants de la région. Pour faire court, voici quelques exemples du désastre légué par 30 années d'exploitation du cinabre, loin de tout entendement. Une étude comparative a démontré que les enfants scolarisés dans la région de Azzaba, à moins de 5 km de l'usine, présentent une concentration moyenne de mercure dans les urines (1,32 g/g de créatinine) plus de 40 fois supérieure à celle détectée chez les enfants du même âge à Annaba . Différentes analyses affirment que les deux cours d'eau qui longent l'usine sont pollués par le mercure. A l'oued Fendke, la teneur en mercure est assez élevée (2,25 ppb) alors que celle de oued Aïn Zebda dépasse les 95 ppb. Ces deux cours d'eau se déversent dans l'oued El Kébir et de là dans la mer. D'après European Journal of Scientific Research, l'étude de la pollution au mercure dans la région, menée par des universitaires algériens, a démontré l'existence d'une importante concentration de mercure dans des végétaux terrestres dépassant de loin les 0,35 microgrammes. Le projet Mytilos de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer a confirmé, en 2006, que les moules des côtes skikdies cumulent une valeur mercurielle de 0,2 mg alors que sur l'ensemble de la Méditerranée, elle n'était que de 0,1 mg. -Le trafic du mercure, l'autre menace La situation actuelle du complexe mercuriel de Azzaba n'a pas échappé aux appétences du banditisme spécialisé dans le trafic du métal blanc. «Il est vrai que ce genre de trafic existe. Nous avons enregistré plusieurs arrestations ces dernières années et d'importantes quantités de mercure argenté ont été saisies auprès de plusieurs personnes à Azzaba. La plus grande prise, près de 3 kg, a été opérée en septembre 2008», reconnaît un membre des services de sécurité. Un ancien employé de l'usine témoigne, pour sa part, que des tentatives d'infraction, plus de cinq au moins, ont été enregistrées depuis la fermeture de l'usine. Il rajoute que l'usine renferme d'énormes quantités de potiches usagées contenant encore du mercure. «Des quantité plus ou moins importantes du minerai sont également suspendues sur les parois des installations et des mains malveillantes peuvent facilement les en extraire.» Il indiquera même les parties de l'usine les plus «juteuses», mais on s'abstiendra de les désigner pour des raisons évidentes. -Le plan de dépollution en question Le 8 mai 2006, le ministre de l'Environnement, en visite à Skikda, a tenu à rassurer que «la décontamination du complexe mercuriel et la dépollution de la région limitrophe devront être achevées avant la fin de l'année 2007». Il communiquera même l'enveloppe financière allouée à cet effet en révélant que «500 millions de dinars ont été dégagés pour la seule région de Azzaba». Une étude a été réalisée, mais au ministère, on a exigé une « une analyse approfondie du site de stockage des déchets». Aujourd'hui, et devant le silence affiché par les responsables concernés, on peut juste avancer que dans le cadre du Plan national de gestion des déchets spéciaux (Pnagdes), le ministère a retenu l'option d'un centre d'enfouissement technique (CET). Ce projet, qui comprend un audit, des études ainsi que la réalisation d'un CET d'une capacité de 25 000 t/an, est estimé à 3 300 000 dollars. -L'exemple espagnol L'Espagne a de tout temps été le plus grand producteur mondial de mercure. Avec la seule mine d'Almaden, elle assurait le tiers de la production de la planète. Cette mine a été fermée en 2003 pour être reconvertie en un parc-musée qu'on s'apprête à classer comme «patrimoine mondial de l'humanité». Le projet, fonctionnel depuis, est dédié au tourisme scientifique tout en se voulant un pan de la mémoire collective de la région. Composé de plusieurs compartiments érigés sur les anciens emplacements de l'ensemble de la chaîne de production de la mine, le parc offre aux visiteurs une pléiade de haltes aussi attractives que didactiques.