Au terme d'une longue période de maturation d'un sondage effectué dans le but d'évaluer le niveau de connaissances d'étudiants et étudiantes en médecine, le professeur Djamel Eddine Abdenour, spécialiste des maladies infectieuses au CHU de Constantine et président de la Commission nationale de santé au Croissant-Rouge algérien, nous livre les résultats de cette investigation qui a concerné essentiellement un niveau intermédiaire, en l'occurrence la 4e année de médecine. En guise de préambule, le professeur Abdenour a précisé que « ce sondage a été effectué avant le cours qui leur a été donné sur le VIH/sida et reflète par conséquent leur état réel de connaissances de base par rapport à l'impact des campagnes de sensibilisation et le désir de l'étudiant de se documenter sur le sujet, ce dernier étant a priori censé être plus curieux des questions relatives à la santé, notamment lorsqu'il s'agit d'un thème aussi sensible que le sida. Le questionnaire a reposé sur des questions simples, portant sur les connaissances, les attitudes et les conduites potentielles de stigmatisation et de discrimination vis-à-vis des personnes séropositives ». Abordant les résultats de ce sondage qui a ciblé sciemment une catégorie de jeunes de l'institution de santé, le professeur Abdenour affichera d'emblée son étonnement. « Aussi surprenant que cela puisse paraître, plus du tiers des étudiants déclarent ne pas craindre beaucoup ou pas du tout de contracter le sida. Cela dénote d'un sentiment de ne pas se sentir concerné par cette affection. Probablement aussi de la conviction que cela ne peut arriver qu'aux autres, notamment aux drogués et aux homosexuels. Et aussi de l'ignorance des modes de contamination et de la facilité avec laquelle peut se contracter la maladie dans le cas où la personne n'adopte pas des comportements d'évitement de risque. » Par ailleurs, les trois quarts des étudiants interrogés manifestent des attitudes de discrimination et de rejet vis-à-vis des sujets séropositifs. Mieux encore, ce sondage dévoile que 5% des étudiants ignorent l'existence de tests pour le dépistage du VIH et 10% pensent encore que l'infection VIH ne touche que les drogués et les homosexuels. En outre, plus de la moitié s'imaginent qu'une personne peut être infectée par le virus du sida en donnant simplement son sang. Ce qui est de la plus haute gravité s'ils persistent dans cette conviction et encore plus s'ils véhiculent cette idée. En outre, plus de la moitié des étudiants interrogés pensent que le virus du sida peut se transmettre par le simple fait de boire ou de manger avec un séropositif, de se faire piquer par un moustique, de travailler ou d'aller au lycée avec un séropositif ou d'utiliser le même téléphone que lui. Cela est une aberration qui témoigne d'un grand déficit de communication de notre système de santé. » Enfonçant davantage le couteau dans la plaie, le professeur Abdenour soulignera la totale méconnaissance des sujets interrogés en disant que « près du quart des étudiants soumis à ce sondage est convaincu qu'une personne séropositive est toujours symptomatique, ce qui dénote d'une totale méconnaissance des malades. La moitié d'entre eux ignorent également que le lait maternel d'une femme infectée par le VIH peut transmettre le virus. Ce qui est encore plus symptomatique de cette ignorance, c'est leur conviction selon laquelle la salive, la sueur, les larmes, les selles et l'urine peuvent être responsables de la contamination ». Ces réponses expriment, selon ce dernier, des attitudes potentielles d'opprobre et de discrimination vis-à-vis des personnes infectées, tout comme les réponses mentionnant que la contamination peut s'effectuer au cours de gestes et de circonstances de la vie courante comme le baiser, l'étreinte, la toux, l'éternuement, la piscine, le repas et les vêtement, qui sont autant de réponses erronées de nature à renforcer les attitudes de rejet vis-à-vis des personnes infectées. Le professeur Abdenour exprimera également sa grande surprise quand il a pris connaissance des autres « croyances » exprimées via ce sondage. « Les 2/3 des étudiants pensent que la transmission du VIH d'une mère séropositive à son enfant se fait est à 100% systématique. Ce qui est faux à l'instar des étudiants (17%) qui disent qu'un séropositif, parce qu'il a des anticorps, ne transmet pas le virus. » Par ailleurs, 25% d'entre eux estiment que le préservatif n'est pas un moyen efficace pour se protéger contre le virus du sida. Ce qui est également faux. Au terme de l'examen de ce sondage édifiant à plus d'un titre au regard des révélations étonnantes fournies par un échantillon de 488 étudiants en médecine censés être au-dessus de la mêlée, c'est l'ensemble des acteurs, autant institutionnels qu'associatifs, qui est aujourd'hui interpellé pour remettre les pendules à l'heure et éviter ainsi des interprétations et des comportements dont les conséquences peuvent s'avérer catastrophiques.