L'année 2006 sera très... « culturelle » ! C'est Khalida Toumi qui l'a affirmé lors de son passage au Forum de l'ENTV. Cinéma, théâtre, bibliothèques, patrimoine archéologique, etc., le programme énoncé par Madame la ministre à travers l'organisation de festivals ou la batterie des nouveaux textes de loi appelés à régir et canaliser l'activité culturelle dans son ensemble paraît un peu trop ambitieux pour laisser l'opinion publique indifférente. Il se propose, en vérité, de redonner à court et moyen terme une couleur moins morose à un secteur qui semblait jusque-là livré à lui-même, sans perspective. Le fait de voir, par exemple, ce secteur, considéré comme névralgique ailleurs, bénéficier chez nous d'une enveloppe budgétaire parmi les plus squelettiques, démontre tout le mépris qui lui est affiché par les autorités politiques. De tout temps, la culture a été en Algérie un véritable parent pauvre, un laissé-pour-compte. Les dirigeants qui se sont succédé à la tête de l'Etat ont toujours veillé à mettre dans le placard la volonté politique pour éviter à ce que la culture ne se prenne au sérieux. Une façon de la brider, et de mettre sous surveillance l'intelligence en partant du principe que c'est dans le milieu des artistes et des intellectuels de tous bords que se recrutent les forces de la subversion. Si dans les pays avancés, l'esprit passe avant l'œsophage et reste l'élément central de la créativité sans laquelle le développement économique et social ne peut se faire, la pyramide est inversée dans le tiers-monde. Notre pays qui a vécu dans les méandres des systèmes dits « rigides » n'a pas échappé à cette réalité. C'était le temps où l'art n'avait presque pas de sens, et on pensait qu'avec l'ouverture démocratique, les pratiques répressives qui sont faites pour anesthésier complètement la culture allaient disparaître. Un leurre ! Car si dans les discours officiels on a effectivement emprunté un autre ton, donnant l'impression d'accorder une importance capitale au secteur, les choses n'ont pas tellement changé. Derrière un ministère qui ne gère plus que des artifices, des avatars, voire un sous-produit, il existe toujours cette velléité du pouvoir de ne pas laisser l'intelligence prendre le pas sur la politique. C'est un peu fort comme raisonnement ? Posez la question aux gens du cinéma, du théâtre, de la littérature, à toute cette communauté qui forme ce qu'on appelle l'élite et qui fonctionne par la pensée, et vous ne serez pas surpris par leurs réponses. C'est donc par expérience que les intellectuels ont appris à ce méfier des discours tonitruants qui sont en fait souvent trompeurs. Car si la culture a effectivement besoin de projets et de chantiers - comme ceux annoncés par Khalida Toumi avec toute la conviction qui la caractérise - pour vivre son temps en répondant à un besoin de la société, elle reste un fondement essentiel dans l'épanouissement de l'individu. Et pour éviter l'étouffement, elle a besoin d'être libérée, démocratisée. Est-on prêt dans nos sphères politiques de la laisser aller au bout de sa vocation ? C'est la vraie question de l'heure qui aurait sûrement mis dans la gêne Madame la ministre. Maintenant, avoir plus d'activités cinématographiques ou théâtrales, ou vivre avec l'espoir de voir La Casbah protégée enfin contre les mille et une dégradations, ça fait toujours plaisir, en attendant mieux.