Le ministre de la Prospective a écrit un livre. Après une carrière pas vraiment réussie dans l'économie, Abdelhamid Temmar se lance dans la littérature, à travers laquelle il explique la difficulté des réformes maintes fois repoussées par l'obsession névrotique de la stabilité tueuse d'ambitions. En gros, le ministre pose une question : qui bloque les réformes ? Et y répond : personne, c'est la stabilité. Comme un observateur externe, comme s'il n'était plus ministre, M. Temmar développe l'idée que la réforme est perçue par les forces de résistance internes aux régimes comme un gros facteur de déséquilibre, une machine aléatoire qui peut détruire ce que la stabilité s'efforce de préserver. Si beaucoup auraient souhaité des révélations de l'intérieur pour expliquer la spécifique inertie algérienne, il s'agit pourtant d'une étude globale sur les économies émergentes, ce que n'est pas réellement l'Algérie puisqu'elle n'a pas réellement d'économie. En tant que dirigeant étatique de la sphère décisionnelle algérienne, on aurait pu s'attendre à un décryptage de l'échec économique national répété ou, à la rigueur, à un bon livre de science-fiction, l'auteur étant un ministre de la Prospective et du futur. Ce n'est pas ce que M. Temmar a fait, mais on doit au moins féliciter un dirigeant qui écrit des livres, à l'image du ministre de la Santé qui serait en train de finir un ouvrage sur les maladies génétiques dans la cordillère des Andes. On ne se rappellera pas vraiment de M. Temmar en tant qu'économiste, mais on se souviendra peut-être de son concept structurant lancé il y a quelques années, la voiture made in Algeria qu'il avait promis de faire. Elle ne sera pas née, probablement démontée par le souci de stabilité. Mais M. Temmar aura au moins écrit un livre qu'il vient de dédicacer au Salon du livre d'Alger. Même s'il y est allé dans une voiture japonaise.