Une imposante colonie de hérons garde-bœufs a envahi ces temps-ci la localité d'Ouled Fayet. Nichant sur un grand eucalyptus qui pousse dans la cour d'une maison située en plein centre-ville, ces volatiles ne cessent de se multiplier allant jusqu'à conquérir d'autres espaces urbains dans la même localité. On peut en effet observer deux autres colonies à la sortie-est de la ville, l'une juchée sur les pins du petit jardin municipal, l'autre sur le bois attenant au collège. Oiseau migrateur à l'origine, le héron blanc - ou aigrette - a trouvé les conditions idéales pour son acclimatation au nord de l'Algérie pour devenir sédentaire et faire ainsi partie de la faune locale. Alors qu'on ne le voyait qu'à l'automne, au moment des labours, picorant les insectes le long des sillons laissés par le soc des charrues, l'aigrette est visible, par petites colonies, à tout moment de l'année, dans toutes les campagnes algériennes, au nord du pays principalement où elle évolue en toute tranquillité. Evoluant dans un climat tempéré, n'ayant pratiquement aucun prédateur, pas même l'homme qui sait qu'ils ne sont pas comestibles, les hérons blancs ont ainsi prospéré jusqu'à inquiéter sérieusement les spécialistes de l'environnement et de l'écologie. Au centre cynégétique de Zéralda, des chercheurs nous ont précisé que la multiplication inquiétante de cet oiseau se fait au détriment d'autres espèces locales. Et quand bien même l'aigrette aurait son utilité dans l'écosystème - une étudiante de l'INA en a donné la preuve, confirmant les observations faites ailleurs par les ornithologues - il reste que sa forte reproduction participe à la disparition d'autres espaces sauvages locales du fait de son intrusion remarquable dans leur biotope. D'autres responsables estiment qu'il y a lieu de prendre dès maintenant des décisions radicales pour limiter le nombre des colonies de hérons, quitte à organiser des campagnes d'abattage, essentiellement en détruisant les nids. « En dépit de sa cruauté, c'est l'unique solution qui s'impose pour permettre aux espèces locales d'évoluer normalement », nous précise un de nos interlocuteurs. Toutefois, d'autres scientifiques ne sont pas de cet avis, ils estiment de leur côté qu'aucune action ne doit être tentée sans une étude préalable sur le comportement du héron blanc. Le débat entre les partisans d'une solution radicale qui consiste à réduire, par la manière forte, la prolifération des hérons garde-bœufs et ceux qui prêchent pour sa protection ne fait que commencer. Dommage qu'il n'intéresse pas encore les décideurs concernés qui pourraient éventuellement prendre en charge la question et trouver une solution médiane, satisfaisante pour les écologistes des deux bords. Ce n'est apparemment pas encore le cas puisque, dit-on, il y a d'autres priorités en matière de protection de l'environnement. Pour l'anecdote, on raconte que de hauts responsables de l'Etat auraient fait remarquer aux services des forêts qu'il fallait limiter les lâchers des oiseaux blancs (les hérons garde-bœufs), estimant qu'il y en avait un peu trop dans les campagnes. L'affaire est entendue. En attendant, l'arbre à hérons de Ouled Fayet dépérit, asphyxié par les fientes de ses occupants contre lesquels les propriétaires des lieux n'ont trouvé aucun moyen pour les faire fuir. Eux aussi pensent à la manière forte qui consiste tout simplement à abattre l'arbre de leur jardin.