Que réserve le silence du ministre d'Etat, Belkhadem ? Depuis le dernier Conseil des ministres, Abdelaziz Belkhadem, patron contesté du FLN, s'est éclipsé. «Belkhadem semblait furieux à sa sortie du Conseil des ministres, une manière à lui d'afficher son mécontentement vis-à-vis des décisions prises. Il pensait que le Président était sur la même longueur d'onde que lui concernant certaines questions ; mais comme le reste des membres du gouvernement, il a été surpris par le discours de Bouteflika», assure un membre du l'Exécutif Ouyahia. Publiquement, Belkhadem revendique les réformes annoncées par le Président et déclare à ses adversaires, notamment ses «alliés» le RND et le MSP, qu'«il est derrière les réformes décidées lors du dernier Conseil des ministres, allant jusqu'à déformer les propos du Président devant les membres du conseil national du FLN», confie un membre du conseil national. «Belkhadem a confié, lors du dernier conseil national du FLN, que Abdelaziz Bouteflika a demandé à son ministre de l'Intérieur de révéler les propositions faites lors des consultations et leurs auteurs. Ce qui est totalement faux, puisque Bouteflika n'a demandé que les principales propositions et n'a pas cité les noms des partis.» Ce qui, semble-t-il, n'a pas été du goût de Abdelaziz Belkhadem, qui a observé un silence inhabituel ce jour-là. Selon certaines indiscrétions ayant filtré du siège du FLN à Hydra, «le secrétaire général est complètement désorienté en ce moment, face aux pressions internes, notamment celles du mouvement de redressement, mais également celles des lobbys des affaires qui voient dans certaines dispositions contenues dans les projets de loi sur les partis et du code électoral comme une menace pour leur business», révèle un député qui a assisté à la dernière réunion de la commission juridique de l'APN. Ambitions «Belkhadem tente d'imposer ses positions sur la commission, qui a réuni peu de monde. Plus de la moitié ont boycotté la réunion présidée par le secrétaire général, il a notamment demandé la suppression de l'article obligeant les ministres à démissionner trois mois avant les élections», poursuit notre source. Le secrétaire général de l'ex-parti unique, attaqué de partout, même par ses proches alliés, préparerait une réponse à ses détracteurs, quitte à «sceller un pacte avec le diable». Toujours sur le plan interne, «Amar Tou se prépare à lui succéder, il bénéficie de l'appui de plusieurs membres du conseil national et même de celui des redresseurs, Belkhadem n'a pas encore abattu toutes ses cartes, mais une chose est sûre : il ne bénéficie plus du soutien du Président», atteste un membre du conseil national. Belkhadem aurait-il été lâché par le président Bouteflika ? «Belkhadem a failli à sa mission, il a pourtant été mandaté pour mener des tractations avec les islamistes au profit du pouvoir, mais il en a profité pour ses propres ambitions.» Il n'a pas caché son désir de succéder à Bouteflika, ce qui a irrité le Président, qui voit en ce dernier un rival avant l'heure et qu'il aurait accusé, selon nos informations, d'avoir prémédité volontairement le débat sur la succession de Bouteflika, se plaçant ainsi comme le potentiel candidat du pouvoir et l'interlocuteur privilégié pour mener d'éventuelles négociations. «Ce fut fatal pour lui, puisque ni les islamistes ne sont satisfaits, malgré toutes les pressions exercées par lui pour leur permettre un retour à la politique, ni les lobbys de l'économie et du commerce pour défendre leurs intérêts. Et sur le plan interne au parti, les FLNistes doutent de plus en plus des intentions de Belkhadem», analyse un vieux routier du FLN. Pressions Le secrétaire général du FLN tente, selon ses proches, d'exercer des pressions sur ses députés et menacerait même de bloquer certains projets de loi à l'APN. «La question de la démission des ministres trois mois avant les élections est fortement critiquée par Belkhadem et il s'en est même pris à Ould Kablia, qui a révélé en Conseil des ministres cette disposition. Tous les ministres présents ont approuvé cette décision, cependant, certains et autres membres du FLN pensent que trois mois seraient insuffisants et comptent proposer de la revoir à six mois», révèle un député du mouvement des redresseurs. Sur le plan externe au FLN, ses relations se sont d'abord détériorées avec ses deux alliés de l'Alliance présidentielle : «Il n'a pas cessé de critiquer, ces derniers mois, le RND et le MSP allant jusqu'à limiter et carrément rompre ses relations avec Ahmed Ouyahia et Bouguerra Soltani», poursuit le député. Et ses relations se seraient aussi dégradées avec des conseillers du président Bouteflika. «Pour sauver la face, Belkhadem fait cavalier seul et pense sérieusement à sa propre carrière politique au détriment du parti. Il est soutenu par des lobbys de l'économie et les islamistes, un électorat qu'il convoite et sur lequel il compte lors des futures échéances électorales, notamment la présidentielle. L'établissement des listes pour les prochaines législatives a déjà commencé et Belkhadem tente, à travers ses relais, imposer des noms. Il doit impérativement supprimer des dispositions contenues dans le code électoral interdisant aux hommes d'affaires de se porter candidat», affirme une source à la villa de Hydra. Sur un autre plan, les militaires, dont la nouvelle génération d'officiers, voient en lui «un danger pour le pays, son idéologie et ses pratiques régressives ne sont pas de notre goût. Il prône les valeurs démocratiques et l'ouverture, alors que dans la réalité ses ambitions présidentielles le rendent aveugle et prêt à tout pour atteindre son objectif», confie un officier supérieur de l'armée.