Mercredi 5 octobre. Quatre jours après les inondations d'El Bayadh, d'une ampleur sans précédent, nous avons rencontré les sinistrés du lieudit El Mahboula, à l'ouest de la ville sinistrée. El Mahboula est une source qui, naguère, jaillissait par intermittence, d'où son nom qui signifie littéralement «la folle». C'est du moins ce que dit la légende, affirment des habitants du quartier Haï Houria, situé un peu plus haut. Au 12, rue de la Liberté, Mme Boufnik Mahdjouba n'arrive toujours pas à expliquer ce qui s'est passé en cette nuit du samedi 1er octobre. A l'emplacement même de la source, un musée du moudjahid a été édifié en 2000 à coups de milliards. «Tout le monde savait qu'il était risqué de construire un musée au-dessus d'une source, mais personne ne pouvait s'y opposer», dit-elle, debout face au pont portant le nom de la source disparue. Un pont qui s'est effondré en quelques minutes sous la déferlante de l'oued El Bayadh, appelée communément oued Deffa. Sinistrée, Mme Boufnik nous fait visiter sa maison, dont une partie s'est effondrée suite aux précipitations torrentielles. «El Hamdoullah, Dieu est grand», ne cesse-t-elle pas de répéter au fur et à mesure qu'on avance à l'intérieur de cette habitation construite à flanc d'oued, mitoyenne avec le musée aux murs éventrés. Mme Boufnik prenait sereinement le café en compagnie de ses enfants lorsque le cours d'eau a commencé à enfler. «En moins de cinq minutes, je me suis retrouvée assaillie par les flots», témoigne-elle. «Si je suis encore vie, c'est grâce aux jeunes du quartier qui se sont rapidement mobilisés pour porter secours aux gens.» Toutes les demeures se trouvant à proximité du pont Mahboula ont été submergées par l'eau et la boue. Les eaux se sont infiltrées par les plafonds et les murs dans ces vieilles bâtisses. De l'autre côté du pont, la station d'essence de Hamitou n'est que décombres. A cet endroit, l'on déplore une victime, Mme Khelifi Fatna (29 ans), mère de deux enfants. Elle a été enterrée lundi au cimetière du village Sidi Slimane. «On croyait que la fin du monde avait sonné à nos portes», relate Messaoudi Mohamed, un jeune du quartier, très dégourdi. «Le pire a été évité de justesse», poursuit-il. Des troncs d'arbres violement projetés contre les murs du musée ont, en effet, permis de défoncer les parois extérieures du musée et, par conséquent, de réorienter la trajectoire des coulées de boue. Plusieurs pâtés de maison l'ont échappé belle. A El Mahboula, on compte une trentaine de maisons et de commerces endommagés ainsi qu'une dizaine de blessés. Dans cette partie de la ville, les plus jeunes n'ont pas attendu l'arrivée des éléments de la Protection civile pour se porter volontaires. D'ailleurs, en cette soirée de samedi, aucun sapeur-pompier ne s'est manifesté à El Mahboula. Les citoyens ont dû compter sur eux-mêmes pour se sortir d'affaire. Messaoudi Mohamed, Fatmi Hoceini, Messaïdi Bekar, Messaïdi Tahar et Abed Ahmed ont réussi, à la force des bras, à sauver sept personnes piégées par les eaux et qui s'étaient abritées au premier étage du dortoir contigu à la maison de Mme Boufnik. «Heureusement qu'il faisait encore jour, sinon personne n'aurait survécu», confie Messaoudi Mohamed qui, depuis quatre jours, monte la garde devant sa cafeteria dont il ne reste presque rien. «En l'absence des services de sécurité, nous avons déjoué plusieurs tentatives de vol dans le quartier», tient-il à préciser. Comme cela a été le cas dans de nombreux quartiers sinistrés, les pouvoirs publics n'ont même pas daigné approvisionner les habitants de Mahboula en eau potable. «On est restés sans gaz ni électricité pendant deux jours», indiquent des habitants du quartier.