Image apocalyptique Les habitants d'El Bayadh se relèvent à peine des conséquences des inondations de samedi dernier. A El Bayadh, il ne fait plus bon vivre, la ville est devenue fantomatique tandis que ses habitants sont désespérés. Des décombres des maisons, qui se sont écroulées comme des châteaux de cartes, jonchent toujours presque toutes les rues, la boue continue de bloquer plusieurs quartiers. Des moyens lourds sont mobilisés à l'effet de déblayer les routes obstruées. Même l'Armée nationale populaire s'est mise de la partie en mobilisant ses bulldozers. Les artères sont envahies par les différents véhicules de la gendarmerie et de la police. Les pompiers, eux, sont sur le qui-vive permanent à la recherche de cadavres et de survivants. Les habitants d'El Bayadh parlent encore de disparus sans pour autant avancer un quelconque chiffre. Dans le quartier de «Ras La Côte», un jeune homme, tenant un mégaphone, ne cessait d'annoncer l'enterrement hier du jeune pompier, Belakhal Mustapha, qui a sacrifié sa vie pour sauver deux femmes, la première enceinte et la seconde une dame âgée. Toute cette détresse a été causée par les inondations qui ont sévi, samedi, au chef-lieu de la wilaya d'El Bayadh, ex-Geryville. Les habitants reviennent sur l'événement sur un ton amer. «A la vue du débordement de l'oued Deffa et les pluies diluviennes, nous nous sommes dits que nous étions en train de vivre l'Apocalypse Now», a affirmé Harchouche Cheikh ajoutant que «nous n'avons trouvé rien de mieux à faire que de gagner, nous et nos familles, les terrasses de nos bâtisses pendant que des maisons limitrophes s'effondraient causant des morts».Et de là, a-t-il ajouté «a commencé la solidarité citoyenne». A Haï El Graba, là aussi, le climat est insupportable, tout un quartier est mis à plat par l'infiltration des eaux qui ont atteint les niveaux supérieurs des habitations. Idem à Oued Ferrane où ce quartier populaire a subi toutes les foudres de la nature en furie. La petite Hana Djellouli, 8 mois, y a perdu la vie pendant que sa mère procédait au sauvetage de son fils âgé de 13 ans. Près d'une soixantaine d'habitations se sont écroulées tandis qu'une autre centaine est en sursis. Une famille, composée de 4 membres, a été emportée par les eaux au quartier populaire de Ksar Boukhouada. Là aussi, près de 200 habitations ont été détruites. En tout, la ville d'El Bayadh a recensé 12 morts. Plusieurs centaines de familles dans la rue La nuit, la ville est dans le noir, l'éclairage public étant endommagé par les crues de l'oued Deffa. Tout comme les Berlinois de la guerre froide, les populations du quartier de Ras la Côte ne communiquent plus facilement avec leurs ex-voisins du même quartier, puisque le pont qui les liait avant samedi a été totalement emporté par l'oued qui s'est mis soudainement en crue. Le pont, qui a cédé aussi rapidement à la force de l'eau, constituait la veine principale de la ville. Les dégâts sont lourds. On déplore la mort de la jeune Fatima Ikhlef, âgée de 30 ans. Le bilan matériel est tout aussi grave: près d'une trentaine d'habitations, la station d'essence des Hamitou, une librairie, le musée du Moudjahid et près d'une vingtaine de locaux commerciaux ont été rasés. A Ras la Côte, les riverains se remémorent amèrement leur célèbre fontaine baptisée au nom de la Folle (El Mahboula). Dans un coin du même quartier, des dizaines de jeunes sont affairés à préparer le dîner et passer la nuit à la belle étoile. Le même décor est perceptible à Haï El Fidayine (quartier des combattants) où plusieurs familles se sont retrouvées dans la rue après que leurs maisons ont été détruites. Gueffaf, un jeune habitant de ce quartier dira: «Nous avons vécu l'horreur et nous continuons à subir ses séquelles, vu l'abandon auquel nous sommes livrés». Où est passé le plan Orsec? «Nous exigeons l'ouverture d'une enquête sur les services hydrauliques», a préconisé Harchouche Cheikh, habitant du quartier Ghribi-Miloud situé au centre-ville d'El Bayadh. Ce dernier, victime des inondations de samedi, est longuement revenu sur le déluge qui a sévi sur la ville tout en insistant sur les dégâts mais surtout sur l'absence des responsables locaux. Lui emboîtant le pas, Boukhris Mohamed Réda, habitant la rue Ghribi-Miloud, est allé droit au but en dénonçant l'absence des élus et responsables locaux. «Nous sommes des sinistrés, personne n'est venu à notre secours», a-t-il déploré. Pour sa part, Yousfi Hichem, un autre sinistré, lui et sa famille, dira que «les inondations qui ont frappé notre wilaya constituent une catastrophe. Aucun responsable local n'a jugé utile de nous prendre en charge», a-t-il lancé. «En principe, a-t-il ajouté, toutes les autorités locales doivent obligatoirement se mobiliser car cela est un devoir moral.» Autant de défaillances, à commencer par l'inapplication du plan Orsec, ont été enregistrées laissant les habitants de l'ex-Geryville en colère. Comme d'habitude, dans chaque catastrophe naturelle, les seuls acteurs principaux sont, dans leur majorité, des citoyens. «Il n'y a aucun moyen de sauvetage», a déploré Harchouche Cheikh. Lundi dernier, soit deux jours après le drame, une délégation ministérielle, composée de trois ministres s'est rendue dans la wilaya d'El Bayadh. Lors de leur visite, ils ont fait des promesses. «Pourvu que ces ministres tiennent leurs promesses», espèrent les sinistrés d'El Bayadh. «Nous sommes perdus, nous ne savons plus à quel saint nous vouer, nous sommes abandonnés à notre sort», telle est la phrase, toute choquante, qui revient, comme un leitomotiv chez les sinistrés, hommes et femmes. Le pompier décédé est le héros du jour Un seul nom revient sur toutes les lèvres des habitants d'El Bayadh: Belakhal Mustapha! Ce dernier, qui était pompier de profession, n'a pas hésité un seul instant à sacrifier sa vie pour sauver deux femmes, la première enceinte et la seconde une vieille dame. Le pompier, qui était en repos, a rejoint le service en accomplissant sa mission de sauvetage, a perdu la vie, emporté par l'oued en crue. Son enterrement a eu lieu hier à El Bayadh. Des pilleurs s'adonnent à leur sale besogne Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Cela s'est passé dans la rue Ghribi- Miloud. Au moment où les bénévoles s'affairaient à extraire des décombres le cadavre de Nehaila Bouhafs, ces derniers ont été surpris de découvrir que sa maison faisait l'objet de pillage par un voleur. Ce dernier n'a pu être identifié ni arrêté. Deux autres ont été pris en flagrant délit de pillage par les bénévoles de Ksar Boukhouada.