Dès les premiers jours de la chute d'Alger, en juillet 1830, le baron Guy Duperré s'est empressé de se saisir de «Baba Merzoug» pour l'expédier immédiatement à Brest, où il gît jusqu'à nos jours sous une nouvelle identité, La Consulaire, son appellation française. Une pièce d'artillerie unique. Quel sort terrible pour Baba Merzoug, l'un des plus grands canons jamais construits par l'homme. Baba Merzoug a été construit à la fin des travaux de fortification de la ville d'Alger, en 1542. Fabriqué par un fondeur vénitien, suite à la commande du pacha Hassan, qui avait succédé à Kheireddine, sa portée était exceptionnelle pour l'époque, 4872 m, et un poids impressionnant de 12 tonnes. C'est une superbe pièce d'artillerie, unique en son genre, finement ciselée, qui allait dorénavant défendre Alger, la rendant inviolable, absolument inattaquable par mer. Servi par quatre artilleurs, le canon est dirigé vers la Pointe Pescade (ouest d'Alger), interdisant à tout navire de s'approcher d'Alger. En 1671, l'histoire de ce canon terrible va basculer : il «interdira» à la flotte de l'amiral Duquesne, qui assiégeait Alger, de s'emparer de la ville. Un fait de guerre qui va lui valoir une animosité tenace de deux siècles, après une vengeance terrible des Français. Le consul de France et missionnaire auprès du dey à Alger, le père Le Vacher, accusé de traîtrise par un certain Meso Morto qui avait tué le dey et fomenté une révolte lors de négociations avec l'amiral Duquesne dont la flotte bombardait Alger, a été mis dans la bouche du canon et «tiré» avec un boulet vers le navire amiral français. Il sera appelé, dès lors, par la marine française «La Consulaire». Mais au fait, d'où vient le nom de ce terrible canon qui atteste, jusqu'à aujourd'hui, 182 ans après l'invasion d'Alger, de sa terrifiante renommée ? Selon Belkacem Babaci, président de la Fondation Casbah, «la puissance de ce canon et la longue portée de ses boulets a fait que les gens d'Alger, très impressionnés, ont considéré qu'il était un don de Dieu (rizk Allah) et apporte la fortune». Baba Merzoug (père fortuné) était né. Après près de deux siècles d'exil, le retour ? Selon M. Babaci, auteur d'un livre sur Baba Merzoug et membre du comité pour son rapatriement, Baba Merzoug, c'est le protecteur bienveillant des Algérois, il était devenu l'âme d'Alger et son farouche gardien, d'où le qualificatif d'El Mahroussa, à l'époque des courses et de la flibuste en Méditerranée . En 1999, un comité pour la restitution du canon algérien est créé par plusieurs personnalités, qui ont diversifié les contacts en France et en Algérie pour le retour de Baba Merzoug dans sa patrie. Un retour qui devrait intervenir, selon M. Babaci, en 2012 à l'occasion du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie.