Non contents de voir le dispositif Ansej allégé et les taux d'intérêt sur les crédits bancaires réduits à leur plus simple expression, certains jeunes désireux de souscrire à ce dispositif émettent encore quelques réserves. Ils se demandent en effet s'il est licite ou pas du point de vue religieux de souscrire à ce dispositif, considérant le taux d'intérêt de 1% appliqué par les banques sur les projets financés dans ce cadre, comme de l'usure (riba). J'avais l'intention de déposer mon dossier à l'Ansej mais un ami m'en a dissuadé sous prétexte que c'est h'ram (illicite), même si le taux est faible», nous témoigne un jeune rencontré près d'une agence de l'Ansej à Alger. Il est loin d'être le seul puisqu'il nous parle d'une «dizaine» de jeunes de son quartier à Belcourt qui sont dans la même situation. «Nous sommes allés poser la question à l'imam de notre mosquée, mais il nous a dit la même chose», explique-t-il, en précisant qu'il devra «renoncer à son projet de transport frigorifique à cause de cet obstacle». Interrogé sur le sujet, Nacer Hider, secrétaire général à Al Baraka Banque, déclare à El Watan Economie : «Beaucoup de jeunes intéressés par l'Ansej qui viennent nous voir souhaitent bénéficier du concours des banques par uniquement la nôtre sans qu'il y ait ce taux d'intérêt qu'on leur impose même s'il est insignifiant, parce ce que c'est une problématique religieuse et pas seulement financière».La préoccupation n'est pas anodine puisqu'elle a même donné lieu à la création d'un groupe sur le réseau social le plus en vue du moment, à savoir facebook. Se faisant appeler «30 000 signatures pour que l'Ansej annule le 1% d'intérêt», le groupe se donne pour mission de sensibiliser le plus grand nombre de personnes à cette cause afin de pousser les pouvoirs publics à reconsidérer la question, mais il a recueilli moins de 300 signatures. Sur la page, les adhérents au groupe expriment leur frustration et font leurs propositions. «Moi je veux vraiment travailler, mais je ne trouve pas de financement hallal», déplore l'un d'entre eux, et de proposer, «pourquoi ne pas créer une association avec la banque de sorte à ce qu'elle touche 5% à 10% de mon bénéfice sur le projet que je réaliserai. Ce sera plus rentable aussi bien pour elle que pour moi». Un autre membre relève que l'Etat «n'arrête pas de frimer avec les 150 milliards de dollars de réserves et le fait que le pays ne soit pas endetté, alors pourquoi ne pas prévoir dans ce cas un budget spécialement pour l'Ansej». Limites du financement mixte Pourtant, le dispositif Ansej ne rend pas obligatoire pour les souscripteurs de recourir au crédit bancaire. Il prévoit en effet aussi un financement mixte qui repose sur apport personnel majoritaire, complété par un prêt sans intérêt (PNR), inférieur à 30%, accordé par l'Agence pour des montants de projets compris entre moins de 5 millions et 10 millions de dinars. Seulement un apport personnel de plus de 70% du montant du projet, ce n'est pas donné à tout le monde et comme le fait remarquer un jeune rencontré à l'agence Ansej de Hassiba Ben Bouali à Alger : «Si j'avais 70% d'une telle somme, je n'aurais pas eu besoin de venir à l'Ansej». D'ailleurs, les statistiques de l'Ansej le montrent bien ; sur l'ensemble des projets d'investissement financés dans le cadre de ce dispositif, la part des PNR ne dépasse pas les 21%, contre 64% pour les montants financés par les banques et 15% pour le montant des apports personnels. Les jeunes intéressés par la formule Ansej n'ont pas d'autres alternatives puisque seules les banques publiques sont conventionnées avec l'agence pour prendre en charge les projets. La banque Al Baraka, qui détient 95% de parts de marchés de la finance islamique en Algérie, a, selon M. Hider, entamé «des discussions, il y a quelque temps» avec l'agence dans l'optique de travailler ensemble, mais «sur des bases saines et professionnelles», mais pour l'heure, il n'y a rien de concret. Sans alternatives La banque islamique semble avoir quelques préalables. «Il y a au niveau de l'Ansej des comités de validation qui obligent en quelque sorte les banques à accorder les crédits une fois le projet validé», nous explique le représentant de cette Banque. «Si nous rentrons dans ce dispositif, il faut que le processus de validation tienne compte de l'éligibilité économique du projet au financement bancaire. Cela y va aussi d'un souci pédagogique pour que ces jeunes, une fois le crédit obtenu, puissent mener le projet jusqu'au bout et assurer sa pérennité», argumente-t-il. Selon M. Hider, «il faut qu'il y ait une réelle volonté de la part de ces jeunes d'aller au bout du chemin et non pas d'obtenir des fonds sans que l'on sache qu'elles ont été leur usage et l'issue des projets financés, d'où la nécessité de faire une évaluation permanente et continue des projets financés dans le cadre de l'Ansej pour essayer de tirer les enseignements en cas de résultats non concluants». Pour l'heure, l'Ansej dit n'avoir rejeté aucun dossier parmi ceux qu'elle a réceptionnés, au moment où les informations faisant état de fonds détournés par les jeunes promoteurs sont nombreuses. L'Agence se veut néanmoins rassurante et admet que ces cas sont minimes. Négligeables ou pas, l'existence de ces cas, renseigne, selon certains observateurs sur la réelle velléité derrière le souhait de voir supprimer le taux de 1% par certains jeunes. L'objectif pour certain étant de se débarrasser du poids que constitue l'obligation de devoir rembourser le prêt, nous dit-on, même si d'autres sont réellement préoccupés par la question de «Riba». L'Ansej dit avoir déjà validé 108 573 dossiers de jeunes promoteurs sur les 333 705 dossiers déposés durant le premier semestre 2011.