Entre l'Algérie et le nouveau régime libyen, c'est le début d'une lune de miel. Le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a révélé hier, en marge d'un atelier sur les changements climatiques, qu'une délégation du Conseil national de transition (CNT) libyen effectuera «bientôt» une visite en Algérie dont le calendrier sera établi prochainement. «J'ai eu avant-hier (dimanche, ndlr), un entretien téléphonique avec Mahmoud Jibril, le président du conseil exécutif du CNT, et nous avons convenu qu'une délégation libyenne nous rende visite bientôt», a déclaré le chef de la diplomatie algérienne à une foule de journalistes visiblement plus intéressés par cette question, certes, plus brûlante que les enjeux des changements climatiques. M. Medelci, qui ne semblait plus prêter attention à la foultitude de déclarations «accusatrices» contre l'Algérie faites régulièrement par les membres du CNT, a préféré positiver, histoire de marquer un changement de cap dans le traitement du dossier libyen. «La question de la Libye ne doit pas être gérée à travers le prisme quelquefois déformant des déclarations des uns et des autres», a-t-il commenté. Exit la guerre froide Exit donc les répliques sèches et les démentis récurrents qui ont fini par lasser et les Libyens et les Algériens. Désormais, l'Algérie a définitivement intériorisé et accepté la réalité du terrain qui a fait du CNT le maître légitime et incontestable du pouvoir en Libye. Fini donc les critiques et les doutes de la diplomatie algérienne sur la capacité de l'institution présidée par M. Abdeljalil à gérer la Libye débarrassée d'El Gueddafi. Le ton est à présent au pragmatisme. Et M. Meldeci ne s'en cache pas : «Il faut rester extrêmement concret, pragmatique et fidèle à ses convictions», a-t-il souligné, confirmant ainsi le retour de l'Algérie à de meilleurs sentiments vis-à-vis du CNT, jadis jugé «incapable de gérer la Libye». Le ministre des Affaires étrangères affirme à présent que «nos convictions, c'est que la Libye est un pays frère et nous devons travailler avec ce pays de manière sincère, en tenant compte du fait que pour nous, c'est certainement une priorité». Est-ce donc la fin des hostilités entre Alger et Benghazi ? Les déclarations de M. Meldeci ne laissent pas l'ombre d'un doute sur les intentions du gouvernement algérien de se réconcilier, pour de vrai cette fois, avec ses «nouveaux» voisins. Aïcha dans les bagages du CNT ? Bien qu'Alger n'ait reconnu la légitimité du CNT que du bout des lèvres et après l'Union africaine et la Ligue arabe, les deux parties ont fini par comprendre qu'il serait contreproductif de continuer à se faire la guerre froide. Ceci d'autant plus que le régime d'El Gueddafi a été démoli et que la menace de prolifération des armes dans la région du Sahel et du Sahara est admise par tous, y compris par le «corps expéditionnaire» opérationnel en Libye. Le succès de la conférence d'Alger sur les menaces terroristes au Sahel induites par la crise libyenne est la parfaite illustration de la (nouvelle) prise de conscience des alliés occidentaux quant au danger qui guette la région. C'est dire que l'arrivée d'une délégation du CNT à Alger pour une visite inédite marquera la réconciliation algéro-libyenne et le retour à la normale entre les deux pays. On est donc loin des histoires de mercenariat que le CNT a sorties avec la complicité et la propagande de certains milieux qui se frottaient les mains quant à une rupture entre les deux pays. Cela étant dit, les membres du CNT viendront certainement à Alger réclamer les invités encombrants que sont la femme et les enfants d'El Gueddafi, qui séjournent quelque part en Algérie pour des raisons «humanitaires». Se pose alors la question de savoir si Alger consentirait à livrer la tapageuse Aïcha qui a mis l'Algérie dans l'embarras par ses déclarations retentissantes, ainsi que sa mère et ses frères, si le CNT en fait la demande.