Veut-on classer sans suite la plainte de la moudjahida Louisette Ighilahriz contre le sénateur du tiers présidentiel Yacef Saâdi ? Quatre mois et demi après le dépôt de la plainte pour diffamation, la plaignante «n'a reçu aucune notification», a indiqué son avocat, Mokrane Aït Larbi, qui a dénoncé hier, dans un communiqué, «un mépris total». Selon la procédure, «le parquet d'Alger devait, conformément à la Constitution et au code de procédure pénale, entendre la plaignante sur procès-verbal et transmettre la plainte au Sénat par la voie du ministère de la Justice pour la levée de l'immunité parlementaire, procédure préalable aux poursuites», a fait remarquer Me Aït Larbi. L'affaire remonte, pour rappel, au début de l'année lorsque le sénateur Yacef Saâdi avait déclaré que Mme Ighilahriz n'avait pas été «torturée et cherche seulement à se faire connaître et à faire de la Révolution un fond de commerce». «Ne croyez pas toutes celles qui versent des larmes, il y a des femmes qui prétendent avoir pris part à la guerre, mais ce sont des menteuses qui excellent dans l'art de faire la comédie. Je veux précisément parler de Louisette Ighilahriz qui dit avoir été torturée, je vous confirme qu'elle n'a aucun rapport avec la Guerre de Libération», avait-il encore déclaré à la stupeur générale. Des propos jugés «insultants, ignominieux et diffamatoires» par la moudjahida. Dans une conférence de presse donnée le 5 mai 2011, Mme Ighilahriz avait rétorqué qu'«il y a des opacités entretenues, des failles et des zones d'ombre dans le parcours de certaines personnes qui ont été saisies de panique suite à mes nombreux procès contre certains généraux français». Ceci et de défier Yacef Saâdi de lui faire face et de dire ce qu'il a dit. Yacef Saâdi n'a pas daigné lui répondre. Il s'abrite derrière son immunité parlementaire pour échapper au procès. Après le combat pour la libération, Louisette Ighilahriz en mène aujourd'hui un autre, pour réparer une injustice commise à son égard. «Elle qui a sacrifié sa vie pour la liberté et la dignité des Algériens et 50 ans après sa libération des geôles coloniales, ne réclame qu'une seule chose : la justice», a écrit son avocat, Me Aït Larbi. Ce combat ne concerne pas seulement Louisette Ighilahriz, il doit être mené par tous les Algériens épris de justice. «Sans la mobilisation des militants des droits de l'homme et des ONG, la plainte de Mme Ighilahriz sera enterrée dans un ‘bureau spécial' du ministère de la Justice, comme d'autres plaintes déposées par des citoyens contre des responsables», a averti Me Aït Larbi. Ce dernier estime qu'à l'ère des «réformes», le pouvoir est «incapable de faire respecter un principe de base, qui est l'égalité de tous devant la justice». En somme, au-delà de l'omerta judiciaire, l'affaire Louisette Ighilahriz contre le sénateur désigné soulève la question de l'immunité dont jouissent allégrement les parlementaires. Le principe selon lequel tous les citoyens sont égaux devant la loi semble se briser devant la sacro-sainte immunité qui met les parlementaires à l'abri de toute poursuite judiciaire.