Profondément blessée par les propos “diffamatoires” tenus à son encontre par Yacef Saâdi, l'ancienne combattante, Mme Louisette Ighilahriz, a décidé de l'ester en justice. Une plainte a été officiellement déposée contre Yacef Saâdi, hier, auprès du parquet d'Alger. “Je n'ai pas aimé arriver à ce stade, certes, mais je suis forcée à le faire. Je demande réparation pour les propos diffamatoires tenus fortuitement contre ma personne. Je lui demande de se démettre de ses fonctions (sénateur ndlr) et de se présenter à la justice. Je veux être jugée par un juge et non pas par un quidam !”, nous a affirmé, au téléphone, hier, Mme Louisette Ighilahriz qui, en sanglots, n'arrivait pas à dissimuler son désarroi. L'ancienne combattante, ayant résisté à la torture du général Bigeard et autres Schmitt, durant la guerre de Libération algérienne, se dit qu'elle n'est pas prête à abdiquer devant les attaques ignominieuses proférées à son égard par l'ancien responsable militaire de la zone autonome d'Alger. “Les généraux français, tortionnaires, n'ont pas pu me mettre à genoux, comment vais-je abdiquer aujourd'hui devant un quidam, dans une Algérie indépendante !” s'est-elle écriée, rappelant, au passage, non sans grande nostalgie, le rôle important qu'avait joué la femme durant la guerre de Libération. “La femme avait été à la pointe du combat ; elle était présente sur tous les fronts, de la logistique au soutien et la complicité avec ses frères combattants. Mais elle a, aussi et surtout, œuvré à préserver nos us et mœurs, et notre éducation millénaire. Beaucoup de femmes paysannes ont été lâchement et terriblement torturées mais, par pudeur, elles refusent toujours de parler d'elles, de leur parcours honorable”, a-t-elle ajouté. La plainte portée, hier, contre Yacef Saâdi au parquet d'Alger sera transmise au ministre de la Justice, lequel saisira, à son tour, le bureau du Sénat pour demander la levée de l'immunité parlementaire dont jouit le prévenu. Mais auparavant, et à même d'éviter la complication de la procédure, en sa qualité de sénateur, Yacef Saâdi est désormais appelé à se désister de son immunité, pour comparaître devant la justice. C'est ce que nous avons appris, hier, auprès de l'avocat Mokrane Aït Larbi, joint par téléphone, engagé dans l'affaire pour prendre la défense de la plaignante, Louisette Ighilahriz. Me Aït Larbi explique que le prévenu est attaqué en justice pour ses propos “diffamatoires” tenus, dans la presse fin avril dernier, contre l'ancienne combattante. Cet avocat de renommée ne veut, cependant, pas mentionner précisément les propos retenus dans la plainte déposée au parquet d'Alger. Les propos de Yacef Saâdi, remettant en cause le parcours de la moudjahida, ne sont plus un secret pour personne. Dans une conférence-débat sur un documentaire, “Fidaiyett” (combattantes), Yacef Saâdi avait froidement affirmé “ne pas connaître” Louisette Ighilahriz. “Elle n'était pas parmi les poseuses de bombes. Et elle n'a pas milité aux côtés de Saïd Bakel. Saïd était avec moi, il me l'aurait dit. Je n'ai connu Louisette Ighilahriz qu'après l'indépendance”, a-t-il dit, tout en la défiant de montrer des traces de balles sur son corps en l'accusant de vouloir la célébrité. Ces propos tenus à une année de la célébration du cinquantenaire de l'indépendance, prévoyant la divulgation d'archives de la Révolution “terribles et explosives”, pour reprendre l'historien Mohamed Harbi, ne sont pas sans offusquer l'ancienne combattante. Elle qui a survécu à la torture subie durant la révolution, et qui souhaiterait certainement assister à cette célébration, ô combien symbolique pour elle, loin de toute polémique. “Sincèrement, si j'étais cardiaque lorsque j'ai lu ces propos dans la presse, j'aurais facilement eu une attaque !” nous a-t-elle confié, désabusée. L'attitude de Yacef Saâdi à l'égard de Louisette Ighilahriz “n'est ni sérieuse ni noble”, a déclaré l'éminent historien Mohamed Harbi, dans un entretien accordé au confrère El Watan. Il est catégorique : “Louisette Ighilahriz est une combattante, il n'y a aucun doute là-dessus, et Yacef Saâdi ne pouvait pas ignorer son rôle puisqu'il était un allié de la famille Ighilahriz. Je suppose qu'il y a autre chose qui l'a guidé. De toute manière, ce n'est ni sérieux ni noble.”