Cinquante ans après la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 des Algériens de Paris et sa répression par la police française, le temps est peut-être venu de lever les tabous, les non-dits, les simplifications et instrumentalisations de l'histoire. Les demandes de reconnaissance symbolique s'adressent autant à l'Etat français qu'algérien. La mémoire de ces événements est aussi bien française qu'algérienne. N'est-il pas temps que l'Etat français rende justice aux victimes de la colonisation en faisant acte de reconnaissance officielle de son passé en Algérie ? Bien que l'exigence de reconnaissance ne soit pas de même nature ni de même niveau pour l'ancienne puissance coloniale et pour l'ex-pays colonisé, l'Algérie, qui s'apprête à célébrer le cinquantième anniversaire de son indépendance, ne doit-elle pas prendre possession, sans exclusive, de tous les événements, faits et moments forts qui ont jalonné son combat pour le recouvrement de sa souveraineté nationale ? N'est-il pas temps que les deux Etats ouvrent leurs archives, toutes leurs archives, pour que chercheurs et historiens français et algériens puissent faire, sans obstacle ni embûche, leur travail de reconstitution des faits et de leur vérité ? La consultation des archives, si elle devient possible en France – bien que certaines d'entre elles restent soumises à dérogation et que de nombreuses autres ont été détruites – en Algérie, leur abord est encore problématique. Le Parti socialiste français a demandé vendredi que «la France reconnaisse officiellement ces événements tragiques (du 17 octobre 1961, ndlr) et facilite l'accès aux archives pour les historiens, dans un esprit de justice et de vérité» et qu'«il est aujourd'hui temps que notre pays reconnaisse ces faits et que les responsabilités dans les violences commises soient établies et reconnues. Il est temps pour notre pays de rendre hommage à ces victimes et à leur mémoire». «Cette reconnaissance permettra enfin d'avancer réellement vers la pleine réconciliation entre les peuples français et algérien, essentielle pour bâtir de nouvelles relations tournées vers notre avenir commun», assure le PS. Pour sa part, François Hollande nous déclarait, à la veille d'une visite en Algérie, alors qu'il était candidat à la candidature du Parti socialiste à l'élection présidentielle (El Watan du 6 décembre 2010) : «Notre pays n'a rien à redouter de porter un regard lucide et authentique sur son histoire... Certaines blessures de la mémoire sont cicatrisées, d'autres restent vives. Nos deux pays partagent un patrimoine culturel commun d'une richesse exceptionnelle. Il est temps de l'investir pour les générations futures.» Les socialistes mettront-ils à exécution la demande de reconnaissance du passé colonial de la France qu'ils formulent aujourd'hui s'ils venaient à prendre la direction de l'Etat français ? Pour pouvoir, enfin, tourner la page définitivement, car une page ne peut être tournée que si elle est écrite. Et regarder l'avenir avec sérénité. Nous osons l'espérer.