Du jamais vu en Irak où les élections étaient une simple formalité. Depuis la chute de l'ancien régime, l'opération est rendue plus complexe, voire même dangereuse. Non pas en raison des programmes, ou du nombre de candidats, et de la procédure électorale elle aussi étrangement complexe, mais par la facilité de tous les candidats de revendiquer la victoire tous en même temps. Ce qui pose problème, et celui-ci a été soulevé au soir même des élections du 15 décembre dernier avec ce qu'il y a de plus infamant pour un régime qui se veut démocratique, l'accusation de fraude. Et cette accusation est revenue hier du fait que les partis politiques irakiens, qui avaient dénoncé des fraudes lors des législatives du 15 décembre, ont estimé hier que la Commission électorale leur avait donné raison en annulant un petit nombre de votes. « Nous avons montré qu'il y a eu des fraudes, et elles sont en réalité bien supérieures aux 227 cas reconnus par la commission », a déclaré Salim Abdallah, chef du Parti islamique, le principal parti sunnite. La Commission électorale indépendante irakienne a annulé lundi les bulletins de 227 urnes, sur 31 500 au total dans tout le pays, ce qui ne devrait pas changer le résultat global des élections qui ont donné - selon les chiffres préliminaires - un fort avantage aux chiites conservateurs. « Il s'agit d'un nombre très réduit de bulletins, ce qui laisse prévoir que cela ne changera pas fondamentalement le résultat du scrutin », a déclaré au cours d'une conférence de presse Abdel Hussein Al Hindaoui, membre de la commission. Toutefois, Salim Abdallah a affirmé qu'en dépit des fraudes, son parti « est déterminé à participer au processus politique ». « Nous souhaitons avoir un gouvernement d'unité nationale pour sortir l'Irak du chaos », a-t-il dit. Un chef d'un autre parti sunnite influent, Saleh Motlak, qui dirigeait la liste du Front irakien du dialogue national, a également souligné que les protestations de son parti ont permis de montrer « qu'il y a eu des fraudes lors des élections ». « Notre conviction est qu'elles ont porté sur beaucoup plus que 227 urnes », a-t-il dit, ajoutant que son parti « n'est pas satisfait des résultats électoraux ». Pour le secrétaire général du Parti communiste irakien, Hamid Majid Moussa, l'annonce de la commission « prouve que nous avions raison de protester contre les résultats préliminaires ». « Elle montre qu'il y a eu des fraudes et des falsifications lors des élections qui n'ont donc pas été honnêtes. » Le PC irakien figurait, lors des élections, sur la liste de l'ancien Premier ministre chiite laïque Iyad Allaoui, qui a également dénoncé le déroulement du scrutin. Les résultats préliminaires des législatives, connus peu après la clôture du scrutin, ont donné les conservateurs chiites gagnants, sans toutefois obtenir la majorité absolue des 275 sièges du Parlement. La Commission électorale a annoncé pour la fin de la semaine la publication des « résultats définitifs, mais non certifiés » des élections, ce qui donnera le coup d'envoi pour la formation du gouvernement appelé à diriger l'Irak lors des quatre prochaines années, qui devrait cependant demander plusieurs semaines, voire quelques mois. Par ailleurs, cinq Irakiens, dont trois policiers, ont été tués et 17 blessés mardi matin au cours de diverses attaques à Baghdad et dans la région de Kirkouk (nord). Les deux pilotes de l'hélicoptère Apache qui s'est écrasé lundi au nord de Baghdad sont morts, a annoncé en outre lundi soir l'armée américaine, sans préciser les raisons du crash. Ces décès portent à au moins 2 218 le nombre de soldats américains et personnels assimilés morts en Irak depuis l'invasion du pays en mars 2003, selon les chiffres du Pentagone. Par ailleurs, le juge Saïd Al Hamachi dirigera les débats lors des prochaines audiences du procès de Saddam Hussein et de ses co-accusés, après la démission du juge Rizkar Amine, en attendant l'élection. Né en 1952, M. Hamachi est un ancien avocat chiite, selon le procureur général. Le Haut Tribunal avait confirmé dimanche, dans un communiqué, la démission du juge Amine qui a été fréquemment critiqué, depuis le début du procès, par des responsables politiques proches du gouvernement, parce qu'il aurait manqué de fermeté face à l'attitude combative de Saddam Hussein. Autant de problèmes auxquels l'Irak fait face avec un fort sentiment d'incertitude. Une population en plein désarroi, qui compte ses morts quotidiennement, sans réelle perspective de règlement de ce conflit. Comment peut-elle alors s'intéresser à cette bataille pour le pouvoir ?