Pour la première fois, j'ai eu peur. Je pensais que c'étaient mes derniers jours.» C'est en ces termes que Nourredine Belmouhoub, 64 ans, porte-parole des ex-internés du Sud, qualifie l'enlèvement dont il a été victime dimanche dernier. Libéré hier vers 3h, il affirme que son kidnapping est lié à la plainte qu'il a portée, en 2001, contre le général à la retraite Khaled Nezzar. «On m'a demandé de retirer ma plainte», déclare-t-il, en précisant qu'il a été remis en liberté près du cimetière El Alia (est d'Alger). «Les agents, je ne sais pas s'ils sont du DRS ou de la police, n'arrêtaient pas de me dire ‘retires la plainte que tu as déposée contre Nezzar'. Ils me disaient aussi : ‘Reste tranquille et arrête tes activités de militantisme pour les droits de l'homme'. Bien entendu, je refuse de retirer cette plainte et ils ne me feront pas changer d'avis», a-t-il lancé hier, lors de son passage à notre rédaction. Il est à rappeler que l'ex-ministre de la Défense nationale, Khaled Nezzar, avait été arrêté jeudi dernier à Genève pour suspicion de «crime de guerre» sur mandat du ministère public de la Confédération suisse. Nourredine Belmouhoub nous a raconté les circonstances de son arrestation : «J'ai été enlevé dimanche près de la Maison de la presse. Quatre personnes en civil m'ont embarqué de force dans un Caddy Volkswagen de couleur blanche. Le conducteur a pris l'avenue de l'ALN, direction Hussein Dey. Quelques minutes plus tard, on m'a fait baisser la tête. Puis j'ai été séquestré dans un endroit inconnu.» Embarqué sans mandat d'arrêt, Noureddine Belmouhoub va déposer plainte aujourd'hui auprès de la cour d'Alger contre X, pour enlèvement et séquestration. Son avocat, maître Amine Sidhoum, demande «l'ouverture d'une enquête judiciaire pour faire la lumière sur cet acte ignoble». Dans un communiqué rendu public hier, le membre fondateur du Front du changement national (FCN) et militant des droits de l'homme, Salah Eddine Sidhoum, dénonce «les pratiques terroristes de ce régime illégitime qui ne resteront pas impunies. Nous saisirons toutes les institutions internationales pour que ce crime soit sévèrement puni». De son côté, la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (Laddh) dénonce également «avec la plus grande énergie l'arrestation et la séquestration de plus de trois jours de M. Belmouhoub par des éléments qui ne peuvent dépendre que des Services de la République algérienne», est-il noté dans le communiqué signé par le président de la ligue, Mostefa Bouchachi. Et d'ajouter : «Nous sommes face à une dérive grave qui nous rappelle les pires moments des années 1990.» La Laddh demande au procureur général de la République territorialement compétent l'ouverture d'une enquête judiciaire sur cette affaire et de recueillir dans les plus brefs délais le témoignage de la victime. Par ailleurs, la Laddh demande à la justice de se prononcer sur la plainte de M. Belmouhoub déposée en 2001. La Laddh considère que «de telles pratiques, qui sont la négation de l'Etat de droit, ne peuvent que renforcer les victimes algériennes dans leur conviction que seule la justice universelle peut leur rendre justice». Sur le même ton, l'ONG Al Karama, basée à Genève, appelle «les autorités algériennes à mettre un terme à toute mesure de représailles à l'encontre de Noureddine Belmouhoub».